tag:blogger.com,1999:blog-37473711380183403162024-03-13T20:23:30.673+01:00Les carnets de mon accinUn blog sur les sciences humainesMickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.comBlogger20125tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-33154617453749979932010-04-09T14:14:00.000+02:002010-04-09T14:14:18.785+02:00Migjeni au sud de l'Est<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg1tb2_UohHO-0oLQQQ_QYgAMR0dr0cvUfmJLIW5YjcoUAC4ZZab6Z0izW4U0H1LpFYpZQICKe_AKVnZO0JLqXuDbAvRAzvHOddpPlNLdaA6bZayy1pdQmbHryoZakbhBLe2iTC0fEL4ke5/s1600/migjeni001.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="200" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg1tb2_UohHO-0oLQQQ_QYgAMR0dr0cvUfmJLIW5YjcoUAC4ZZab6Z0izW4U0H1LpFYpZQICKe_AKVnZO0JLqXuDbAvRAzvHOddpPlNLdaA6bZayy1pdQmbHryoZakbhBLe2iTC0fEL4ke5/s200/migjeni001.jpg" width="139" /></a></div><div style="text-align: justify;">Le <a href="http://www.editionsnonlieu.fr/Au-sud-de-l-Est-6">numéro 6</a> de la revue <i>Au Sud de l'Est, </i>publiée par les éditions <a href="http://www.editionsnonlieu.fr/">Non Lieu</a>, vient de paraître.</div><div style="text-align: justify;">Revue mettant en avant les cultures des Balkans dans leur pluralité, elle se compose d'articles, de traductions de textes littéraires et de photographies.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ce numéro comporte notamment une traduction de huit textes de Migjeni (1911-1938), auteur dont le style et la thématique résolument réaliste ont marqué l'histoire de la littérature albanaise. Ces textes n'avaient jamais été publiés en français, écartés à l'époque de la publication chez Fayard d'un recueil de nouvelles traduites par Jusuf Vrioni (Migjeni, <i>Chroniques d'une ville du Nord</i>, Paris, Fayard, 1990). Les huit nouvelles que nous avons choisies de proposer au lecteur français pour la première fois sont les suivantes :</div><br />
<ul><li style="text-align: justify;">Une lettre du village (1934)</li>
<li style="text-align: justify;">Un refrain de ma ville (1934)</li>
<li style="text-align: justify;">Le fruit défendu (1935)</li>
<li style="text-align: justify;">Dans l'église (1935)</li>
<li style="text-align: justify;">Le petit Luli (1936)</li>
<li style="text-align: justify;">Que Dieu te le donne (1936)</li>
<li style="text-align: justify;">Le programme d'une revue (1936)</li>
<li style="text-align: justify;">Les cerises (1936)</li>
</ul><br />
<div style="text-align: justify;">Je vous donne ici un extrait du premier texte, <i>Une lettre du village</i>, dans lequel, sous une forme épistolaire, Migjeni se positionne intellectuellement et donne une ouverture universelle à sa propre sensibilité et à sa propre souffrance (il est de santé fragile), tout en déclarant son amour pour sa ville natale (dans la suite de l'extrait).</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><br />
<blockquote style="text-align: justify;">Autrefois, les religieux chrétiens dans le désert et dans les grottes isolées, pénétraient profondément dans leur ego pour voir Dieu et ses merveilles et pour faire des miracles. Moi aussi, dans ce village, je plonge en moi-même, coulant dans un subjectivisme des plus extrêmes, mais pas pour voir Dieu et ses merveilles ni pour faire des miracles. Je me perds en moi-même pour une autre raison, plus plaisante à mes yeux. Je n’ai rien d’autre à faire lors de mes promenades du soir, dans ces champs déserts (peut-être pas si déserts mais remplis d’un monde incompréhensible pour moi). Je me promène, me promène enfermé sur moi-même sans prendre garde aux pas que je fais, lents dans un premier temps puis rapides et encore plus rapides jusqu’à ce que mes pieds se prennent dans les ronces et me ramènent à moi : «eh ! moins vite… où es-tu parti ? » Je conduis ma promenade vers une autre direction et mes pensées également, spontanément, sans transition. Mes pensées ne sont alors pas celles d’un homme heureux dans la vie mais celles de quelqu’un qui souffre. Je souffre avec l’enfant à qui les parents n’ont pas acheté de jouet, je souffre avec le jeune qui se consume dans l’érotisme, je souffre avec le cinquantenaire qui se noie dans l’apathie de la vie, je souffre avec le vieux qui tremble de la peur de mourir, je souffre avec l’agriculteur qui lutte contre la terre, je souffre avec l’ouvrier meurtri par le fer, je souffre avec les malades de toutes les maladies du monde, mais je ne souffre pas avec cette mouche poursuivie par l’hirondelle et dont la sœur est plainte par une vieille : « La pauvre, c’est une créature de Dieu ». Je souffre avec l’homme ! Et je crois, cher T., que ce n’est pas une métamorphose égoïste, comme le prétendent certains, mais quelque chose qui s’affirme chez les personnes qui, par hasard, pour un temps, se trouvent en dehors d’un matérialisme brutal. Ces tristes pensées blessent mes sentiments et m’irritent. Tu diras, T., que je suis un pessimiste incurable attiré par le style élégant de Schopenhauer. Mais non, j’admire le style de Schopenhauer mais ses sentiments et ses pensées sont pour moi seulement des domaines où les lecteurs peuvent goûter toute la beauté du style, donc je ne suis pas schopenhaueriste, je ne suis pas pessimiste, car je crois en une force de l’homme, je crois au surhomme. (En pensant ainsi, me viennent dans l’oreille les mots de quelqu’un : « Ta croyance t’a sauvé ! ») Si tu partages ces pensées, je te recommande cette croyance, plus moderne et plus adaptée au monde d’aujourd’hui : la croyance au surhomme !</blockquote><br />
<div style="text-align: justify;">Extrait de "Migjeni et les refrains de sa ville", textes traduits et présentés par Ermona Wilmart et Mickaël Wilmart, <i>Au Sud de l'Est</i> (Editions Non Lieu), numéro 6, avril 2010, p. 63-78.</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-29513660123792973152010-03-22T13:45:00.000+01:002010-03-22T13:45:44.472+01:00Abstention des électeurs et abstinence des journalistes<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"></div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEijv80GHXzQgw-a5m23nMlEz8SIOjAciR-R_VePW1O_9SQfATsCNVy8jq91EpLX6iA9adZXv0rWs2v4PF9o3Rf_dHIHJfoI4NaOElvIt7AEyqDVCu9o2idzfPIpv23xT0yJgrvnBBPYjN1e/s1600-h/1957436-2694290.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="149" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEijv80GHXzQgw-a5m23nMlEz8SIOjAciR-R_VePW1O_9SQfATsCNVy8jq91EpLX6iA9adZXv0rWs2v4PF9o3Rf_dHIHJfoI4NaOElvIt7AEyqDVCu9o2idzfPIpv23xT0yJgrvnBBPYjN1e/s200/1957436-2694290.jpg" width="200" /></a></div><div style="text-align: justify;">Les élections régionales se sont donc terminées par un record d'abstention électorale. Depuis la fin du premier tour, les analyses vont toutes dans la même direction. Les partisans de gauche y voit un désaveu de la politique sarkozyste, une abstention sanction et un inquiétant désintérêt de la chose politique. La droite par contre n'y voit qu'un rejet de la politique (de gauche et de droite) et la preuve que la région en tant qu'institution n'est pas comprise par les Français et qu'il est donc nécessaire de la réformer au plus vite. </div><div style="text-align: justify;">Objectivement, les arguments de l'abstention-sanction ou du désintérêt de la politique sont sans aucun doute valables et expliquent partiellement la gigantesque partie de pêche à laquelle les électeurs se sont livrés ces deux derniers dimanches. Un autre argument existe cependant qui n'a, à ma connaissance, été avancé par personne : celui de la faible couverture médiatique du scrutin. L'élection présidentielle avait pourtant provoqué une énorme mobilisation de moyens pour couvrir au mieux la campagne. Chaque grande chaîne de télévision y allait de son émission-débat, de ses reportages, de ses interviews, faisant vivre la campagne au jour le jour au téléspectateur forcément concerné. Le record de participation était alors à la hauteur de la couverture médiatique et de son développement sur le web. Pour les élections régionales, on est obligé de constater que les journalistes se sont abstenus, ou ont fait au mieux le service minimum : quelques débats tard le soir sur France 3 en région, quelques interviews de leaders politiques, quelques polémiques (Soumaré, Frêche) et puis... rien. On me répondra que si les grands médias n'ont pas couvert l'évènement avec un maximum de moyens, c'est parce que cela n'intéresse pas les Français. On peut pourtant retourner l'argument : et si l'élection n'avait pas intéressé les Français parce qu'ils ne pouvaient pas la suivre médiatiquement ? Et si les médias avaient un devoir d'information et de pédagogie ?</div><div style="text-align: justify;">Il suffisait de suivre la soirée électorale à la télévision pour comprendre que les journalistes n'avaient pas l'intention d'en faire l'évènement de l'année. TF1 avait prévu de rendre l'antenne à 21h15, France 2 à 21h30. Quant à France 3, le décrochement régional n'a pas toujours eu lieu faute de salariés non grévistes. Les grandes chaînes invitant les mêmes personnalités (au discours calibré), on ne pouvait circuler entre elles que pour voir les différences entre les estimations et non pour rechercher des analyses diférentes. Il ne fallait évidemment pas s'attendre à voir apparaître sur l'écran une tête de liste provinciale, la parole était le monopole des responsables de partis, l'esprit déjà en 2012 tout comme les journalistes. Sauf, évidemment si on s'appelait Georges Frêche - dont l'élection haut la main est bien la preuve d'un fossé entre Paris et la province - ou si on se présentait en Alsace décrétée zone à suspense pour la soirée du 21 mars. Les rédactions avaient choisi six régions-test où il y avait à leurs yeux un intérêt, les résultats étaient donnés à la louche pour le reste et le débat national pouvait commencer. Pour les électeurs de Franche-Comté ou d'Aquitaine, il fallait prendre sa télécommande et aller voir ailleurs. Heureusement, les chaînes d'infos comme BFM-TV et I-Télé proposaient une vraie soirée électorale avec des résultats diffusés en continu en bas de l'écran. En qualité, les chaînes de la TNT ont fait hier de l'ombre aux grandes chaînes, personne ne peut le nier.</div><div style="text-align: justify;">Mais les mêmes reproches peuvent leur être adressés : interviews de personnalités nationales, résultats de régions globaux et peu détaillés. On attendait désespérément une analyse plus fine de la situation ou poindre une inquiétude face à la montée des régionalistes en Corse. Rien. Il fallait, pour en savoir plus, aller sur le Net ou reprendre en main sa télécommande et poursuivre le zapping en allant plus loin, vers les chaînes qui, sur ma Freebox (désolé par la pub), se trouvent au delà du numéro 200, celles qui portent des noms aussi exotiques (aux yeux du parisien) que TV8-Mont-Blanc, TV7 Bordeaux ou Clermont-Première. Là on trouvait un peu de fraicheur (TV7 qui invite les étudiants de Science-Po Bordeaux à participer à la soirée électorale) et des têtes qu'on ne voit jamais mais qui sont présidents ou vice-présidents de région. Des discours aussi qu'on n'entend jamais, des arguments politiques régionaux (oui oui, ça existe) qui sont pourtant essentiels à la compréhension d'un scrutin local. Sur TV8-Mont-Blanc, on apprenait ainsi qu'écologistes et socialistes de la région Rhône-Alpes n'étaient pas forcément sur la même longueur d'ondes sur le dossier de candidature d'Annecy pour les JO d'hiver. Une élue écologiste nous expliquait la position de son mouvement sur le CIO, sa volonté d'une éthique des sponsors olympiques et des rapports entre jeux olympiques et paralympiques. Sur TV7-Bordeaux, le présentateur du débat n'hésitait pas à se faire expliquer la répartition des vices-présidences entre les partis, demandait des précisions sur les débats dans la majorité régionale sur le projet de LGV tandis que ses collègues, aidés par les étudiants de Science-Po, proposaient une analyse plus fine des résultats permettant de comprendre que le score honorable du Modem en Aquitaine (15.65 %) était aussi le fruit d'une implantation locale de Jean Lassalle qui recueillait près de 25 % des voix dans son département des Pyrénées-Atlantique.</div><div style="text-align: justify;">Avec de petits moyens, on avait là une information de qualité aidant le téléspectateur-électeur à envisager plus clairement les enjeux de l'élection régionale. Pendant ce temps, les Experts tentaient sur TF1 d'élucider un nouveau crime. Quant au problème de l'abstention ou de l'information politique, les rédactions des grandes chaînes n'ont pas encore trouvé d'experts en la matière et attendent 2012 pour le grand spectacle.</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-24971177028269515442010-02-19T14:52:00.000+01:002010-02-19T14:52:01.335+01:00Campus Condorcet : premières images d'architectes<div style="text-align: justify;">Alors que Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et candidate aux élections régionales en Ile-de-France, a procédé hier à l'installation de l'<i>Atelier des campus universitaires, </i>des "visions propectives" de plusieurs campus, dont le Campus Condorcet, future Cité des Humanités et des Sciences Sociales qui accueillera entre autres l'EHESS, ont été dévoilées. Ces images, proposées par le cabinet Lipsky + Rollet Architectes, nous montrent la façon dont les architectes et urbanistes imaginent le futur site. Je les livre ici à titre de témoignage pour ceux qui verront un jour le Campus sortir de terre. L'ensemble du dossier de présentation de l'Opération Campus est disponible en ligne sur le <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid50615/installation-de-l-atelier-des-campus-universtaires.html">site du ministère</a>.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhYQt_AokoG1RWqrYawwCtqzx8xCsJeGtKyZli0orU7YbQGKBaLUdZEmGgAFhCATPPAGtgjo2I7QMbln7isvmkByIyOk3Igz3fDT-6qSIJixhNbNCm_EXn24gra7-JxUK_XzTsi_T8fAsx_/s1600-h/condorcet1.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="473" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhYQt_AokoG1RWqrYawwCtqzx8xCsJeGtKyZli0orU7YbQGKBaLUdZEmGgAFhCATPPAGtgjo2I7QMbln7isvmkByIyOk3Igz3fDT-6qSIJixhNbNCm_EXn24gra7-JxUK_XzTsi_T8fAsx_/s640/condorcet1.jpg" width="640" /></a></div><div style="text-align: justify;">Cette image montre une vue d'ensemble du site Condorcet. En arrière-plan le site universitaire de la Chapelle qui devrait accueillir Paris I.</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj0Pr3BJKqp89m7FA2vF66LdVlpaYHNt_Podg9L9IKXsI-oSI4uyTO89NEcLonGn7TQVvzbBA5r11QWDjMOXx4spQpBWkqSTLOIajIbzdAWF5IgwgEmLc5Vj_6zVwhDQHo5NZvUtIbtZ45F/s1600-h/condorcet2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="458" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEj0Pr3BJKqp89m7FA2vF66LdVlpaYHNt_Podg9L9IKXsI-oSI4uyTO89NEcLonGn7TQVvzbBA5r11QWDjMOXx4spQpBWkqSTLOIajIbzdAWF5IgwgEmLc5Vj_6zVwhDQHo5NZvUtIbtZ45F/s640/condorcet2.jpg" width="640" /></a></div><div style="text-align: justify;">L'entrée du Campus ? On ne comprend pas immédiatement l'image. Qu'est-ce que le parvis de l'université ? De quelle université s'agit-il ? Paris I devant être sur le site de la Chapelle... En tout cas, nous sommes rassurés, nous aurons le métro (à gauche sur l'image) et une station vélib'... Autre enseignement, il fait gris, il y a des nuages mais bon, on y va pour étudier et travailler...</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgXnJpO_hnYX_wJ1wIUCPLJQigko1eJeBvObGauuqKPWSDb8N1xZGz1G8l1OHgWH7ckJD_bwLAu2VNY1Uc5EC42wsXQeuQN89rcLhXXL_453Luv5hgpnQPJmofgZuYMnjhVqMfLlFFby3Iq/s1600-h/condorcet3.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="458" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgXnJpO_hnYX_wJ1wIUCPLJQigko1eJeBvObGauuqKPWSDb8N1xZGz1G8l1OHgWH7ckJD_bwLAu2VNY1Uc5EC42wsXQeuQN89rcLhXXL_453Luv5hgpnQPJmofgZuYMnjhVqMfLlFFby3Iq/s640/condorcet3.jpg" width="640" /></a></div><div style="text-align: justify;">La rue universitaire. On reconnait immédiatement le Campus grâce à de belles;-) banderoles jaunes. De l'autre côté de la rue, un hôtel est prévu (The Faculty Club) sans doute pour loger des professeurs invités si l'administration accepte de payer une chambre dans un hôtel trois étoiles ou des étudiants s'ils en ont les moyens...</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-2022728890160412482010-01-27T18:05:00.000+01:002010-01-27T18:05:06.760+01:00De l'interprétation des notes marginales<span style="font-family: Arial; font-size: small;"><span class="Apple-style-span" style="font-size: 13px;"><br />
</span></span><div style="text-align: justify;">L'étude des marques manuscrites ou des notes marginales sur les livres imprimés a surtout été utilisée dans le cadre de l'histoire littéraire ou de l'histoire du livre pour l'époque moderne (XVIe-XVIIIe s.). Je donne quelques références à la fin de ce post pour ceux que cela intéresse.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Lors de mes différentes séjours en Albanie, j'ai rassemblé une petite collection d'ouvrages de propagande antireligieuse datant de l'époque communiste afin d'étudier la politique d'athéisation du pays par le régime d'Enver Hoxha. Certains semblent avoir plus vécu que d'autres : reliure usée, couverture ou pages abîmés et parfois notes manuscrites des lecteurs précédents. A l'instar des historiens du livre, je me suis alors demandé si ces marques laissées par les lecteurs pouvaient refléter une attitude face à la propagande du Parti, qu'elle soit d'intérêt, d'adhésion ou de rejet. La grande majorité n'apporte en fait pas grand chose au chercheur.<br />
</div><div style="text-align: justify;"><a href="http://farm5.static.flickr.com/4008/4308684509_e521b762ef.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="http://farm5.static.flickr.com/4008/4308684509_e521b762ef.jpg" width="238" /></a>Un livre en particulier a attiré mon attention. Rédigé par Hulusi Hako, un des principaux partisans de l'athéisme en Albanie (à l'époque d'Enver Hoxha et encore maintenant), il s'intitule "Akuzojmë Fenë" (Nous accusons la religion"). Mon exemplaire a été imprimé en 1968. Maintes fois réédités, il s'agit d'un des ouvrages de base de la propagande antireligieuse albanaise. La couverture en est assez abîmée. Sur le dos du livre, en partie déchiré, on a réécrit le titre et le nom de l'auteur au feutre. A la lecture des marques manuscrites, on peut identifier trois détenteurs/lecteurs : "M. B." (je ne donne ici que les initiales), "M. L." et un troisième anonyme. Les deux premiers sont des femmes albanaises. Le dernier est anglophone et a traduit en marge certains passages en anglais. M. L. n'a laissé que son nom et quelques griffonnages représentant vaguement des fleurs (mais cela pourrait n'être que des dessins faits mécaniquement). M. B. a par contre fait quelques brefs commentaires qui peuvent intéresser l'historien.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Vous pouvez voir ici la page en question : elle présente deux photos du pape Paul VI, l'une avec le président américain Johnson (symbole du capitalisme aux yeux des pays communistes) et l'autre avec un ambassadeur soviétique (l'Albanie a rompu avec l'URSS en 1961). En haut de la page, M. B. a écrit "Turpi më i madh" ("La plus grande honte"). Face à cette phrase, l'historien a le choix entre deux interprétations : la lectrice acquiesce la propagande visant à montrer la complicité du pape avec les ennemis de l'Albanie communiste ou, au contraire, elle réfute ces accusations en les qualifiant de honteuses. Les deux interprétations sont intéressantes mais terriblement contradictoires et il est bien difficile de trancher. Une autre marque manuscrite en marge de la même page pourrait faire penser à la première solution : le mot "Papa" y est barré par une croix. Mais nous sommes ici à la limite de la surinterprétation. On ne peut que conclure que la lectrice M. B. a réagi devant cette page au cours de sa lecture, que le message diffusé ne l'a pas laissé insensible. Mais pour savoir de quel côté penchait sa sensibilité, il faudrait d'autres éléments qui ne sont plus à la disposition du chercheur qui doit donc se résigner devant l'ambiguité de cette source.<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><b>Quelques références sur l'étude des marques manuscrites et notes marginales :</b><br />
</div><div style="text-align: justify;">- "<a href="http://editions.bnf.fr/pdf/revue/sommaire02.pdf">Le livre annoté</a>", dossier publié dans la <i>Revue de la Bibliothèque Nationale de France</i>, n°2, juin 1999.<br />
</div><div style="text-align: justify;">- "<a href="http://voltaire.lire.ish-lyon.cnrs.fr/Presentation_Sommaire_RV3.doc">Le corpus des notes marginales</a>", numéro thématique de la <i>Revue Voltaire, </i>n° 3, 2003.<br />
</div><div style="text-align: justify;">- Damien Blanchard, "Une archéologie du livre. Les marques manuscrites comme source de l'histoire des bibliothèques bénédictines sous l'Ancien Régime", in <i>Les religieux et leurs livres à l'époque moderne</i>, dir. B.Dompnier et M.-H. Froeschlé-Chopard, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2000, p. 195-211.<br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-62487947827796058762010-01-25T17:05:00.001+01:002010-01-26T11:27:34.118+01:00Photos d'intérieur d'une américaine en Seine-et-Marne (1914-1917)<div style="text-align: justify;">Pourquoi illustrer un livre de chroniques, souvenirs ou correspondances avec des photos de son intérieur, de son chez soi ? Un auteur qui photographie les pièces principales de sa maison fait-il passer un message en les diffusant ou offre-t-il uniquement de quoi assouvir la curiosité de ses lecteurs ? Comment sélectionne-t-il ou met-il en scène son intimité (ou ce qu'il veut faire passer pour son intimité, ou mieux ce qu'il considère ne pas être son intimité mais seulement un théâtre de la représentation de soi) ? Ces questions auraient pu me venir à l'esprit plusieurs fois, en consultant par exemple les images partagés sur Facebook, mais finalement je me les suis posé en parcourant les livres de Mildred Aldrich (1853-1928), cette américaine que j'ai déjà mentionné dans un <a href="http://monaccin.blogspot.com/2010/01/1916-un-village-devant-le-photographe.html">post précédent</a> et qui s'était installée en 1914 à Quincy-Voisins, un village à huit kilomètres au sud de Meaux (Seine-et-Marne). Elle publie pendant la Première Guerre Mondiale plusieurs livres formant, à partir de sa correspondance, une chronique de la vie dans la zone de guerre que constitue alors les environs de Meaux. Elle illustre ses livres de plusieurs photographies mettant en scène son quotidien et celui du village. Et elle propose par la même occasion au lecteur deux images de l'intérieur de sa maison, l'une publiée dans son premier livre (<i>A hilltop of the Marne</i>, 1915), couvrant la période entre juin et septembre 1914, et l'autre dans le second volume (<i>On the edge of the War Zone</i>, 1917) portant sur la période entre septembre 1914 et avril 1917.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Si l'on met en corrélation le contenu des textes et les photos présentées, on comprend vite que c'est bien elle qui se met en scène à travers ces photos vides de personnages.<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiT9CLSRzSRl3p_jb_3E1S5qnf_wuYbREU9fQKzsRdiG9JBJaxj1YuRImQ7N3fztEjFcwm-JgUdjVH1PmFY8ToAEL_yaug0NTw16JGFoTuhL8uVlG0soWZMrJr8Cp8bx1nicP2AXY2dd7n3/s1600-h/Hilltop+on+the+Marne+-+002.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="276" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEiT9CLSRzSRl3p_jb_3E1S5qnf_wuYbREU9fQKzsRdiG9JBJaxj1YuRImQ7N3fztEjFcwm-JgUdjVH1PmFY8ToAEL_yaug0NTw16JGFoTuhL8uVlG0soWZMrJr8Cp8bx1nicP2AXY2dd7n3/s400/Hilltop+on+the+Marne+-+002.jpg" width="400" /></a><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La première photo (ci-dessus) nous présente l'intérieur d'une maison de campagne aménagée de façon bourgeoise. On peut y distinguer des caractères à la fois "rustiques" (poutres apparentes, tomettes au sol, escalier en bois, murs...) et plus "citadins" (nombreux cadres, fauteuils tapissés, mobilier...). Globalement, l'aspect "maison de campagne" colle assez bien avec la vue extérieure proposée par l'auteur :<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhbBnNJ47ZLBUf5Y8wbEXKw7NgDoOC9JEKb25e3CLftXFtYVFjY6R7aM8kp3vO99Sq667FSX6mSe3IHKZeGXOHX4JwbjJUVMJ-XddBbi9ZXMmVQ45iRqYC6vsk24dity7JNLKeY7xfFf0l3/s1600-h/Hilltop+on+the+Marne+-+001.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="270" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhbBnNJ47ZLBUf5Y8wbEXKw7NgDoOC9JEKb25e3CLftXFtYVFjY6R7aM8kp3vO99Sq667FSX6mSe3IHKZeGXOHX4JwbjJUVMJ-XddBbi9ZXMmVQ45iRqYC6vsk24dity7JNLKeY7xfFf0l3/s400/Hilltop+on+the+Marne+-+001.jpg" width="400" /></a><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Cela correspond aussi parfaitement avec son récit qui porte assez peu sur la guerre mais qui laisse une large place à son installation à la campagne, loin de Paris et de la ville. Elle s'y présente comme désireuse d'un retour à la terre (elle est d'origine paysanne) et déclare ne plus vouloir entendre parler de la vie citadine. Aussi la photo d'intérieur publiée dans le premier livre donne d'elle l'image d'une femme d'un certain confort retournant à une vie de village (avec toutefois des moyens bien au-dessus des paysans qui l'entourent).<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgAgpz76S7Fw5ZLtAydsEPuxYUn0OH4RhRIUxZ2WphIbBU14ywo3ZDS0Mf0hag7HfUhiJeDpcHsm-r0QhikoJGBqX7x61pQNlD_VZjig1yi2ge98iTKzy51ZH2MdegdHfKdq9Hfa8nMFfdJ/s1600-h/bibliotheque_aldrich.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="250" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgAgpz76S7Fw5ZLtAydsEPuxYUn0OH4RhRIUxZ2WphIbBU14ywo3ZDS0Mf0hag7HfUhiJeDpcHsm-r0QhikoJGBqX7x61pQNlD_VZjig1yi2ge98iTKzy51ZH2MdegdHfKdq9Hfa8nMFfdJ/s400/bibliotheque_aldrich.JPG" width="400" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;">La photographie d'intérieur publiée dans le second livre présente un tout autre visage de la petite maison de campagne de Mildred Aldrich. Il s'agit de sa bibliothèque avec, au centre, sa table de travail. C'est d'ailleurs certainement la seule bibliothèque du hameau où elle se trouve mais sans doute pas de la commune (on pense au presbytère ou au château mais aussi au notaire ou d'autres petits notables). La vie à la campagne idéalisée dans le premier volume ne se retrouve pas dans cette photo. La raison en est bien simple : son premier livre, <i>A Hilltop of the Marne</i>, est un vrai succès de librairie aux Etats-Unis. En 1916, il en est déjà à la dixième édition. Jusque là correspondante pour des journaux américains ou critique de théâtre, elle est désormais une femme de lettres. Et cette bibliothèque est là pour en témoigner. Elle est également une personnalité dans le village, recevant pour le thé les officiers des régiments en repos dans la commune, invitée par ces derniers aux représentations théâtrales données par des acteurs-soldats, ouvrant sa bibliothèque aux militaires heureux de pouvoir lire un peu en attendant leur départ pour le front.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Entre deux photos d'intérieur (où elle n'apparait pas), elle change donc sa propre représentation : d'abord bourgeoise retirée à la campagne, elle devient femme de lettres dont le rang est symbolisée par sa bibliothèque installée dans une pièce de sa petite maison briarde. Le choix des images d'intérieur publiées est donc loin d'être innocent et il correspond bien à l'idée que l'on veut donner de soi.<br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-80261037123789041082010-01-19T14:24:00.002+01:002010-01-25T17:06:13.152+01:001916 : un village devant le photographe<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgpy2Xk4S0uacXlG-eURgrT3HLe_ZN_ZmaOe-UJ9B1UwBbywwefDLwq9EZw1szkGskde0VIYXtKh1QiDE6aQKlVYoFaNlN8ayWjx8QCtzcIWfZa_dik-qWCPf7SnaxASLHgtXcSBhEH3N7a/s1600-h/Am%C3%A9lie.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgpy2Xk4S0uacXlG-eURgrT3HLe_ZN_ZmaOe-UJ9B1UwBbywwefDLwq9EZw1szkGskde0VIYXtKh1QiDE6aQKlVYoFaNlN8ayWjx8QCtzcIWfZa_dik-qWCPf7SnaxASLHgtXcSBhEH3N7a/s320/Am%C3%A9lie.jpg" width="193" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;">Comme on l'a vu avec le développement des passeports biométriques après le 11 septembre 2001, une crise permet souvent aux autorités de renforcer le contrôle de la population en utilisant les technologies à sa disposition. Ainsi, si la carte d'identité s'est particulièrement développée en France sous le régime de Vichy, on doit se souvenir que des tentatives ont existé précédemment pour des populations particulières : les nomades en 1912, les étrangers en 1917.<br />
</div><div style="text-align: justify;">En 1916, la carte d'identité est rendue obligatoire dans la zone de guerre contrôlée par l'armée. Ainsi, la région de Meaux (Seine-et-Marne) est directement concernée par la nouvelle règlementation. Nul ne peut entrer dans la ville sans montrer ses papiers. Or, cela pose un véritable problème d'adaptation aux paysans des villages voisins habitués à s'y rendre au moins le samedi, jour de marché, pour vendre leur production ou acheter ce dont ils ont besoin. Une américaine, Mildred Aldrich (1853-1928), a laissé des lettres témoignant de la vie d'un village pendant la Grande Guerre. Elle habite alors à Quincy-Voisins, à huit kilomètres au sud de Meaux. Dans une lettre datée du 30 septembre 1916, elle décrit en quelques lignes la nouveauté introduite par les circonstances dans le village :<br />
</div><br />
<blockquote style="text-align: justify;">Cela fait plusieurs mois maintenant que le pont sur la Marne* à Meaux est gardé et même ceux qui vont au marché ne peuvent le traverser sans montrer leurs papiers. Cette formalité est très compliquée pour eux parce que la mairie ouvre à neuf heures, ferme à midi pour rouvrir à trois heures et fermer à six. Comme tu peux le voir, ces horaires correspondent au moment où tous sont le plus occupés dans les champs. L’homme ou la femme qui doit se rendre au marché le samedi doit quitter son travail et faire un long voyage dans Quincy – souvent plusieurs kilomètres à pied – à un moment où il est le moins facile de perdre son temps.<br />
</blockquote><blockquote style="text-align: justify;"> Pour compliquer la situation, un nouvel ordre est arrivé il y a quelques semaines. Tous les hommes, femmes et enfants (de plus quinze ans) dans la zone de guerre doivent avoir, à partir du 1er octobre, une carte d’identité sur laquelle doit être apposée une photographie.<br />
</blockquote><blockquote style="text-align: justify;"> Ce règlement a abouti à un embarras des plus étranges. Un grand nombre de ces vieux paysans – et des jeunes également – n’avait jamais été photographiés. Il n’y a pas de photographe ici. Le photographe d’Esbly** et les deux de Meaux ne pouvaient sans doute pas photographier tout le monde et, avec cette météo incertaine, faire les tirages dans les délais accordés par les autorités militaires. Un immense cri de protestation s’est fait entendre. Toute sorte de photographes ont été envoyés dans la commune. Le crieur du village bat son tambour comme un fou pour annoncer les endroits où les photographes seront, ainsi que leurs dates et leurs horaires, et ordonne aux gens de se rassembler et de se faire photographier.<br />
</blockquote><blockquote style="text-align: justify;"> La cour d’Amélie*** faisait partie de ces endroits choisis et tu aurais aimé voir ces vieux paysans bronzés faire face pour la première fois à un appareil photo. Certains des résultats obtenus étaient drôles, particulièrement lorsque l’opérateur pressé et surmené faisait deux visages sur le même négatif, ce qui est arrivé plusieurs fois.<br />
</blockquote><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;">(extrait de Mildred Aldrich, </span><i><span style="font-size: x-small;">On the edge on the War Zone</span></i><span style="font-size: x-small;">, Boston, 1917, p. 207-208, trad. Mickaël Wilmart)</span><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;">* Le pont sur la Marne : confusion de l'auteur qui doit parler du pont Cornillon, sur le canal du même nom, qui permet d'entrer dans Meaux en venant du sud.</span><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;">** Esbly : commune à 5 km au nord-ouest de Quincy-Voisins et 6 km au sud-ouest de Meaux.</span><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;">*** Amélie : voisine et domestique de l'auteur.</span><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><br />
</span><br />
</div><div style="text-align: justify;">Je n'ai malheureusement pas retrouvé de photographie d'identité obtenue lors de ces séances. La photo illustrant ce post est prise à la même époque par Mildred Aldrich. Il s'agit d'un portrait de sa domestique, Amélie.<br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-68464235701912683702010-01-15T13:29:00.000+01:002010-01-15T13:29:42.952+01:00Deux supports de transmission de la religion (Albi, XVe et XXIe s.)<div style="text-align: justify;">Les programmes iconographiques des églises ont pour principal objectif la transmission d'un savoir : celui des composantes de la religion (dogmes tels purgatoire ou enfers ; vie du Christ ; vie des saints) et de la bonne croyance. Dans les derniers siècles du Moyen Age, la religion passe des clercs aux fidèles par l'intermédiaire de la parole et de l'image. Quant le croyant entre dans le sanctuaire, il peut y voir les exemples choisis par le clergé et mis à sa disposition pour éclairer sa foi et ses choix de vie. Plus tard, l'écrit s'ajoutera à ces moyens de diffusion de la religion. Mais l'image reste un moyen privilégié de transmission. La cathédrale Sainte-Cécile d'Albi en offre un excellent exemple.<br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://farm5.static.flickr.com/4067/4276422804_40d46a29e9.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="http://farm5.static.flickr.com/4067/4276422804_40d46a29e9.jpg" width="240" /></a><a href="http://farm3.static.flickr.com/2782/4276423200_bf69ff1708.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="http://farm3.static.flickr.com/2782/4276423200_bf69ff1708.jpg" width="240" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La cathédrale d'Albi est célèbre pour ses peintures murales de qualité et de taille exceptionnelles. La fresque du <i>Jugement dernier </i>(dont les photos ci-dessus montrent un détail), datant de la fin du XVe siècle, reflète à la fois les angoisses de l'époque et leurs remèdes. Elle s'inscrit dans le cadre de la floraison du macabre dans l'art graphique qui témoigne de la montée de la peur face à la mort. Exposant les châtiments endurés par les pêcheurs, elle donne en même temps la clé d'un salut (résister à la tentation du pêché). Elle constitue en elle-même une pédagogie de l'économie du salut, un sujet complexe rendu accessible à tous par l'image.<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Si l'image avait toute sa place dans la diffusion de la religion dans le cadre d'une société en majorité illettrée, qu'en est-il aujourd'hui ? C'est à l'entrée de la même cathédrale que l'on peut trouver une première réponse.<br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://farm5.static.flickr.com/4040/4275679155_c3fa80e555.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="240" src="http://farm5.static.flickr.com/4040/4275679155_c3fa80e555.jpg" width="320" /></a><a href="http://farm5.static.flickr.com/4030/4276424408_a7ab4b4462.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="240" src="http://farm5.static.flickr.com/4030/4276424408_a7ab4b4462.jpg" width="320" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;">Au dessus du bénitier, un petit panneau de bois indique comment se signer en entrant dans le sanctuaire. Les cinq gestes constitutifs font l'objet d'un dessin particulier, indiquant leur ordre, leur sens (de haut en bas puis de droite à gauche) et les mots à prononcer à chaque étape. L'image ne transmet pas un dogme mais un rituel. La question qui peut être posée est sans doute : à qui s'adresse-t-elle ? Le geste n'est-il pas familier aux catholiques pratiquants ? S'adresse-t-on aux enfants ? Aux non-pratiquants désireux de rentrer dans l'<i>ecclesia</i> ? Elle est sans aucun doute le résultat d'un constat : la déchristianisation de la société dans laquelle le geste chrétien le plus simple est à apprendre. Et dans laquelle les images du XVe siècle ne sont sans doute pas compris par la majorité des visiteurs.<br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-82685160856595535782009-12-23T23:57:00.001+01:002009-12-24T00:10:21.454+01:00Interdiction du voile et libération de la femme<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhkXXjANRcYwVCbwtcroekfOiVble-BUvLVAIEknQSXiOPEPlUqVqClYyFCabmT5lZRWpZ2k1xL-OU4q4QNEpgj5jeCUSlp3pa2IpRfUXHEp1SwC9YVtb1eURnaadgdaTPNRm-M_4CkdP3K/s1600-h/24GruajaKatolikengaShkodrangafotografiKelMarubi-full.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhkXXjANRcYwVCbwtcroekfOiVble-BUvLVAIEknQSXiOPEPlUqVqClYyFCabmT5lZRWpZ2k1xL-OU4q4QNEpgj5jeCUSlp3pa2IpRfUXHEp1SwC9YVtb1eURnaadgdaTPNRm-M_4CkdP3K/s320/24GruajaKatolikengaShkodrangafotografiKelMarubi-full.jpg" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: x-small;">Une femme catholique voilée à Shkodra (Albanie) photographiée par Kel Marubi au début du XXe siècle</span><br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La proposition de loi de Jean-François Copé visant à interdire le port de la burka dans l'espace public rappelle à l'historien d'autres expériences dont on n'a sans doute pas tiré toutes les leçons.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Ainsi, l'Albanie de l'entre-deux-guerres a elle aussi connu sa loi interdisant le voile intégral. En août 1929, le gouvernement d'Ahmet Zogu prend cette décision après une proposition du chef de la communauté musulmane qui juge alors la coutume contraire à l'éducation citoyenne.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Premier acte d'émancipation de la femme musulmane ? L'écrivain Migjeni, contemporain des faits, nous livre l'envers du décor dans une de ses nouvelles, intitulée "On rouvre les portillons..." (traduite en français et publiée dans <i>Chroniques d'une ville du Nord</i>, Paris, Fayard, 1990, p. 215-225). Il y décrit la réaction des habitants de sa ville, Shkodra, située dans le nord de l'Albanie :<br />
</div><br />
<blockquote style="text-align: justify;">La maison est plongée dans le silence. il y règne comme une atmosphère d'agonie. Oui, c'est bien d'une agonie qu'il s'agit, mais sans la détresse. Dans des centaines et des centaines d'autres demeures comme celle-ci, un passé séculaire, si profondément ressenti et vécu par tous, est en train de mourir. On ôte la pierre angulaire de la citadelle millénaire et bien des coeurs sont déchirés à la voir s'effondrer. D'autres, au contraire, se réjouissent comme si on venait d'abattre quelque bête monstrueuse qui empoisonnait l'existence de chacun. Le gros titre du journal, cette réforme, l'abolition du port du voile chez les femmes forment comme une sarabande d'esprits malins qui viennent tourmenter les cerveaux engourdis, inhabitués à concevoir de pareilles choses. Jusque là tracassées uniquement ou presque par les soucis familiaux les plus prosaïques, voici les têtes tout à coup hantées par une préoccupation qui touche tout un chacun, par un problème collectif, et les propriétaires de ces têtes se retrouvent comme des poissons sur la grève. Oter le voile aux femmes : jamais aucun n'avait songé voir cela de son vivant.<br />
</blockquote><div style="text-align: justify;">Le choc décrit est réel chez les hommes et chez les femmes. Chez les hommes surtout, effrayés de savoir leurs femmes exposées aux regards des autres hommes. Chez les femmes, Migjeni décrit des sentiments plus nuancés, certaines étaient ravies, d'autres plus mitigées voire opposées.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Deux jours avant la mise en application de l'interdiction, la famille suivie par le narrateur se réunit pour que les hommes puissent "voir une dernière fois leurs parentes, car Dieu sait quand il leur serait donné de les revoir !". Car les hommes n'ont pas l'intention de s'opposer à la loi. Mais ils n'ont pas non plus l'intention de laisser leurs épouses et leurs filles sortir sans voile dans la rue. Et c'est là que Migjeni fait mouche dans cette nouvelle : l'interdiction du voile certes, mais avec quelle conséquence pour les femmes ? Celle de ne plus pouvoir sortir de l'espace privé, retenues par des hommes considérant comme une offense le fait de laisser se promener dans les rues leurs femmes têtes nues. Et les hommes de s'en sortir dans le récit de Migjeni par une nouvelle astuce : rouvrir les portillons entre les arrières-cours des maisons (invisibles à la rue) pour laisser les femmes aller de maison en maison sans sortir sur la voie publique...<br />
</div><div style="text-align: justify;">Argumenter l'interdiction du voile par la volonté de libérer la femme semble par cet exemple une possible erreur. Car rien ne dit qu'on laissera sortir les femmes, qu'on oblige maintenant à porter le voile intégral, une fois que celui-ci sera interdit...<br />
</div><div style="text-align: justify;">Si le port de la burka peut paraître à beaucoup choquant, c'est sans doute au système républicain à y répondre en s'imposant de sa propre autorité, sans loi, mais seulement par la seule force du modèle qu'il peut proposer...<br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-46218486705259096792009-12-14T15:28:00.000+01:002009-12-14T15:28:44.181+01:00L'équilibre des signes passe-t-il par leur suppression ?<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://farm3.static.flickr.com/2724/4104105080_12f77f10a3.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="http://farm3.static.flickr.com/2724/4104105080_12f77f10a3.jpg" width="223" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span class="Apple-style-span" style="font-size: x-small;">Affiche suédoise photographiée à Goteborg en 2009. Campagne de publicité organisée par des athées pendant laquelle les symboles des religions monothéistes sont montrés comme interchangeables sur le drapeau national et rendus obsolètes par la phrase : "Dieu n'existe probablement pas". (Ratexla - Flickr)</span><br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">C'est sans doute à cette question qu'a tenté de répondre un sénateur socialiste belge en proposant une<a href="http://www.senate.be/www/?MIval=/index_senate&MENUID=21120&LANG=fr"> loi</a> visant à appliquer strictement la séparation de l'Etat et des Eglises en Belgique. Rédigé en 2007, le projet devait passer devant la Commission des Affaires Institutionnelles le 10 octobre dernier mais son examen a été reporté et renvoyé aux <a href="http://www.interculturalite.be/Accueil,2?lang=fr">Assises de l'Interculturalité</a>. Ces dernières sont un espace de dialogue créé par le gouvernement chargé de réfléchir à l'amélioration des conditions de la réussite d'une société basée sur la diversité, espace de dialogue donc dans lequel le débat n'est pas celui de l'identité nationale mais celui du comment vivre ensemble dans un monde devenu multiculturel.<br />
</div><div style="text-align: justify;">C'est dans ce cadre de réflexion sur l'interculturalité qu'il faut approcher le texte de loi proposé par Philippe Mahoux. Le report de l'examen du projet est certainement lié à la polémique qu'il a suscité et que la presse belge a simplifié en titrant sur l'<a href="http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/548311/tabou-sur-les-croix-des-cimetieres.html">interdiction des croix dans les cimetières</a>. L'article 6 du projet de loi précise en effet que<br />
</div><br />
<blockquote style="text-align: justify;">Aucun bien meuble ou immeuble affecté à un service public ne peut contenir ou être orné de signes ou d'objets quelconques caractéristiques d'une conception religieuse ou philosophique.</blockquote><a href="" name="92"></a><blockquote style="text-align: justify;">Cette disposition ne concerne pas les signes ou objets exposés dans les musées ou expositions ou intégrés à des monuments et sites classés.</blockquote><div style="text-align: justify;">Disparition de tout signe distinctif pouvant faire penser à une rupture de la neutralité de l'Etat en matière religieuse ou philosophique, telle est l'essence de cet article L'intention du législateur est présentée dans les commentaires motivant le projet :<br />
</div><blockquote style="text-align: justify;">Cette disposition traduit, dans la matérialité des faits, le principe de la neutralité du service public, qui ne peut, ni par son comportement, ni par quelque manifestation extérieure que ce soit, s'identifier à un culte ou à une conception philosophique.</blockquote><blockquote style="text-align: justify;">[...]</blockquote><blockquote style="text-align: justify;">En ce qui concerne les cimetières, l'article 4 ne porte pas préjudice au droit des titulaires de concessions (privatives) de les orner de tout signe ou objet philosophique ou religieux. Le propriétaire ou le gestionnaire public reste tenu par le prescrit de l'article 4, c'est-à-dire d'observer une parfaite neutralité. Il lui est dès lors interdit d'orner les parties communes du cimetière de signes ou objets quelconques caractéristiques d'une conception religieuse ou philosophique.</blockquote><div style="text-align: justify;">Pour le sénateur belge à l'origine de l'initiative, la neutralité passe donc par l'absence de signe : pour que l'Etat n'affiche pas de préférence, il ne doit rien laisser voir. En ce qui concerne les cimetières, puisque c'est l'exemple qui a soulevé la polémique, les institutions se devraient de ne pas afficher de signes distinctifs dans les parties communes comme cela peut-être le cas de croix au milieu des allées. Rappelons qu'on distingue habituellement dans les cimetières les parties communes et les parties privées que sont les tombes allouées à la famille des défunts pour le temps de la concession. Il ne s'agit donc pas ici d'interdire toute croix des cimetières - comme l'ont laissé sous-entendre la presse et certains hommes politiques - mais d'interdire tout signe distinctif dans les parties relevant de la collectivité et ce au nom d'un équilibre à respecter entre les tendances religieuses ou philosophiques.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Alors qu'en France, dans le cadre du débat sur l'identité nationale, Nicolas Sarkozy demande aux croyants de "se garder de toute pratique ostentatoire", et particulièrement aux musulmans de s'abstenir de faire "tout ce qui pourrait apparaître comme un défi" à l'héritage de la civilisation chrétienne, en Belgique le sénateur Philippe Mahoux réfléchit au renforcement de la neutralité étatique en supprimant tout signe religieux dans le cadre des services publics. Pour lui, l'intégration passe par une non-différenciation de l'espace public au nom du respect de l'opinion de l'autre. L'interculturalité se ferait donc à l'endroit même où les différences s'estompent pour disparaître de l'espace public et se confiner au privé. Pour lui, point d'héritage chrétien, mais seulement une société en transformation (voire déjà transformée) basée non sur un passé mais sur un présent à construire.<br />
</div><div style="text-align: justify;">La polémique suscitée par le texte est sans doute révélatrice d'une angoisse : celle de voir disparaître justement cet héritage chrétien que met en avant le président français. C'est aussi cette angoisse qui a poussé les Suisses à voter pour l'interdiction des minarets : ils craignaient que le <a href="http://monaccin.blogspot.com/2009/12/perception-du-religieux-dans-le-paysage.html">signe visible</a> du lieu de culte musulman envahisse leur paysage fait de clochers, symbole de chrétienté. Crainte aussi de bouleversement sonore : et si on faisait du haut du minaret l'appel à la prière, ne couvrirait-il pas le son des cloches ? L'héritage religieux n'est pas la seule question : il y a bien également la volonté de conserver intact un paysage visuel et sonore qui serait le propre des sociétés européennes.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Trois positions sont alors envisageables : le refus du changement, rééquilibrer le paysage en supprimant les signes ou la recherche d'un compromis entre Etats, anciennes religions, nouvelles religions et incroyances.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Tout serait ici affaire d'identité, pour reprendre un mot qui n'est pas sans poser de problèmes aux chercheurs en sciences sociales. Car l'identité est par définition mouvante : individuelle ou collective, elle évolue en permanence, au gré des "programmes de vérité" chers à Paul Veyne. Je peux être chrétien aujourd'hui, athée tout à l'heure et me convertir au bouddhisme demain, changer de pays dans une semaine, m'y intégrer totalement, défendre des idées politiques différentes de celles héritées de mes parents. Tout cela dépend de ce que je pense être vrai à un moment "t", de mon parcours, de l'évolution de mes connaissances (intellectuelles et personnelles), de mon environnement social ou national. Définir la France par son héritage chrétien a-t-il un sens après la déchristianisation, l'affirmation d'une république laïque dans laquelle la liberté de conscience permet le changement de religion, l'avènement de nouvelles religions (comme le mouvement New Age) ou de religions jusqu'alors dites exotiques (bouddhisme, islam) ? Etre français ou belge a-t-il le même sens pour nous aujourd'hui, dans une société ouverte sur le monde et largement globalisée, que pour nos grands-parents témoins du déchirement que fut la seconde guerre mondiale ? On voit par ces interrogations les difficultés que posent la question même de l'identité.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais celle-ci n'est sans doute pas l'explication pertinente des polémiques et tensions autour des signes religieux. Il me semble que la notion d'habitus telle que l'a développée Pierre Bourdieu pourrait permettre de comprendre leurs ressorts sans entrer dans le débat de l'identité dans lequel le chercheur ne peut que se perdre sauf à dire justement qu'il n'y a pas d'identité. L'expérience sociale de l'individu produit ainsi un ensemble de dispositions influent à la fois sur ses actions et ses perceptions. Les perceptions du paysage entrent bien évidemment dans ce schéma. L'argument d'une culture chrétienne commune à l'Europe est bel et bien le fruit d'une expérience sociale où se mêlent la vision permanente des clochers, les fêtes de Noël, les prénoms du calendrier, etc., le tout vécu comme un héritage historique. La construction de cet habitus est d'autant plus complexe quand on y ajoute la question spirituelle. On peut aujourd'hui se dire chrétien mais ne pas aller à l'église et s'ouvrir au bouddhisme à la fois selon son expérience, ses affinités ou les influences extérieures (éducation, médias). Cependant, l'arrivée de nouveaux éléments dans le paysage peut troubler l'habitus et provoquer le rejet. C'est clairement le cas dans l'affaire de la votation pour l'interdiction des minarets pendant laquelle le parti populiste à l'origine de l'initiative dressait le portrait d'une Suisse au paysage transformé soudainement par l'explosion supposée de la construction de mosquées. De même en Belgique, c'est l'article portant sur la suppression des signes, et essentiellement en fait l'explication de cet article avec pour exemple les croix des cimetières, qui a provoqué la polémique : à quoi allait donc ressembler les cimetières sans croix ? Alors même qu'il n'a jamais été question de toucher aux croix des tombes... Là encore, rupture possible d'un habitus dans lequel le cimetière est identifiable par ses croix.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Toutefois, l'habitus n'est par définition pas quelque chose de figé. Fruit de l'expérience sociale, il évolue tout au long de la vie, des rencontres ou du travail fait par l'individu sur lui-même. Il est quelque part le compromis entre un héritage (de classe, culturel, familial...) et une évolution (personnelle, sociale). C'est ce qui permet par exemple l'intégration à un nouvel environnement ou l'acceptation de la différence et des nouveautés. C'est certainement la notion qui permet de prendre le plus de recul face aux débats actuels...<br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-11562007920859371882009-12-08T14:19:00.001+01:002009-12-08T14:54:38.900+01:00Perception du religieux dans le paysage urbain contemporain<div style="text-align: justify;">La votation récente en Suisse sur l'interdiction de la construction de minarets soulève non seulement la question de l'<a href="http://www.motsdimages.ch/Les-suisses-rameutes-par-une-image.html">intolérance</a> manifestée à l'égard de l'Islam mais aussi la question de la place du religieux dans le paysage architectural.<br />
</div><div style="text-align: justify;">En effet, nous percevons le paysage et nous le lisons à travers des clés et des repères qui nous orientent dans l'espace urbain ou rural selon une culture acquise dès l'enfance. Ainsi, on reconnaît presque immédiatement une mairie par sa place, sa façade où flotte le drapeau national et où on peut généralement lire la devise "Liberté, égalité, fraternité" etc. D'un coup d'oeil, on identifie ce bâtiment public et on perçoit ainsi la présence de la République dans toutes les communes. On peut aussi se demander comment on perçoit le religieux dans le paysage. Croyant ou athée, pratiquant ou non, ardent défenseur de la laïcité ou pas, tous nous savons reconnaître l'édifice religieux, même si, selon nos sensibilités, nous pouvons y voir un refuge ou un élément de notre patrimoine. Car le plus souvent, les églises - si nous prenons l'exemple des édifices catholiques - sont patrimonialisées malgré la pérennité des activités paroissiales. Dans les villages, elles sont ainsi généralement le plus ancien bâtiment, immédiatement reconnaissable par son architecture et par la place l'entourant.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Dans le tissu urbain, la question est plus complexe. Soit l'ancienneté et la monumentalité de l'église la classent immédiatement dans le patrimoine communal et on retrouve l'évidence des églises de village, soit l'édifice cultuel (et parfois le quartier qui l'entoure) est de construction récente et l'oeil du passant doit s'exercer à trouver des repères permettant l'identification certaine.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Pour illustrer mon propos, je prendrais un exemple parisien, dans le XVe arrondissement, près de la place Falguière : l'église Notre-Dame de l'Arche d'Alliance, construite en 1998.<br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://farm3.static.flickr.com/2801/4165802567_eaafe6a867.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="150" src="http://farm3.static.flickr.com/2801/4165802567_eaafe6a867.jpg" width="200" /></a><br />
</div><br />
<div style="text-align: justify;"> Premier indice : une plaque de rue. Mais comme tout nom de rue, elle n'indique pas forcément un état présent. L'appellation signale seulement le fait qu'il y a pu avoir à un moment donné une activité religieuse autour de cet axe. <a href="http://www.v2asp.paris.fr/v2/nomenclature_voies/Voieactu/7819.nom.htm">Renseignements</a> pris, il s'agit bien du passage ordinaire d'anciennes processions de la paroisse (Saint-Lambert de Vaugirard ?). Cependant, le nom même de la rue inscrit une certaine culture chrétienne dans l'espace public.<br />
</div><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://farm3.static.flickr.com/2781/4165802865_ddc06eaf4d.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="240" src="http://farm3.static.flickr.com/2781/4165802865_ddc06eaf4d.jpg" width="320" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;">En avançant dans la rue, on passe à proximité d'un édifice récent, d'architecture contemporaine dont l'aspect ne fait pas penser à un immeuble d'habitation, mais dont rien ne semble préciser au premier coup d'oeil la fonction.<br />
</div><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://farm3.static.flickr.com/2722/4166563738_ab0ab657e3.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="240" src="http://farm3.static.flickr.com/2722/4166563738_ab0ab657e3.jpg" width="320" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;">Au pied du bâtiment, un square. Le rez-de-chaussée est complètement ouvert, sans murs, juste quelques pilliers de bétons, offrant un abri aux promeneurs et la possibilité de jouer au tennis de table.<br />
</div><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://farm3.static.flickr.com/2519/4166562558_77d7566cc1.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="240" src="http://farm3.static.flickr.com/2519/4166562558_77d7566cc1.jpg" width="320" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;">Les grandes vitres de l'édifice laissent entrevoir un travail artistique plus visible de l'intérieur. Peut-être des vitraux ?<br />
</div><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://farm3.static.flickr.com/2625/4166562334_6a8e946fef.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="http://farm3.static.flickr.com/2625/4166562334_6a8e946fef.jpg" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;">La petite tour métallique abrite des cloches laissant penser qu'il s'agit d'un clocher.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Note (d'après le <a href="http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/affart.exe?19;s=2724052800;?b=0;">Dictionnaire de l'Académie française</a>) :<br />
</div><br />
<blockquote>CLOCHER, subst. masc.<br />
</blockquote><b></b><br />
<b><blockquote><span style="font-weight: normal;">A.</span><span style="font-weight: normal;"><img src="http://atilf.atilf.fr/dendien/ima/tlfiv4/tiret.gif" /> Construction en forme de tour qui surmonte une église ou s'élève à proximité, et qui abrite les cloches.</span><br />
</blockquote><div style="text-align: justify;"><span style="font-weight: normal;">La vision d'un clocher fait directement référence à la présence d'une église. Le bâtiment en question serait donc une église.</span><br />
</div><br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://farm3.static.flickr.com/2622/4165804053_d995835248.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="150" src="http://farm3.static.flickr.com/2622/4165804053_d995835248.jpg" width="200" /></a><a href="http://farm3.static.flickr.com/2682/4165834249_2f04f283da.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="150" src="http://farm3.static.flickr.com/2682/4165834249_2f04f283da.jpg" width="200" /></a><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; text-align: justify;"><br />
</div><span style="font-weight: normal;">Confirmation : à l'entrée se situant dans l'autre rue, on trouve l'inscription : "Eglise Notre-dame de l'Arche d'Alliance" et sur le panneau d'affichage, on annonce la possibilité de visiter l'église.</span><br />
<br />
<br />
<div style="text-align: justify;"><span style="font-weight: normal;">L'exercice d'identification présenté ici peut paraître poussif. Il rassemble pourtant les étapes de la perception du religieux dans cette rue parisienne. L'édifice, de construction récente, échappe en effet aux images-types des églises plus anciennes. L'observateur doit alors rechercher des indices permettant de lire le paysage urbain qu'il a devant lui. Outre la mention "église" à l'entrée ou sur le panneau d'affichage extérieur (on remarquera toutefois que rares sont les églises sur les murs desquelles on mentionne qu'elles sont des églises), la perception se fait plus claire à partir du moment où l'on repère le clocher. Car c'est effectivement le clocher qui, dans la lecture du paysage que l'on est amené à faire quotidiennement, nous informe de la présence d'une église. Sans ce clocher, cette église serait probablement invisible.</span><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-weight: normal;">On touche ici à la fonction première du clocher : rendre visible l'église. D'un point de vue sonore bien sûr mais aussi d'un point de vue visuel. Le clocher est en effet normalement ce qui dépasse les autres maisons ou immeubles et permet de situer où se trouve l'église dans le tissu urbain. Il est le signe extérieur qui inscrit une religion (ici catholique mais elle aurait pu être orthodoxe) dans le paysage. </span><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-weight: normal;">Comme le clocher pour l'église, le minaret joue un rôle majeur dans l'inscription de la religion musulmane dans le paysage. Comme le clocher, il rend visible de façon sonore et visuelle la mosquée et on est en droit de penser que dans l'évolution de l'architecture religieuse musulmane le minaret, à l'instar du clocher, sera encore une clé de l'identification de l'édifice en tant que mosquée dans les prochaines décennies. Interdire la construction de minarets, ce n'est donc pas uniquement un signal négatif lancé aux citoyens musulmans, c'est bel et bien effacer du paysage la religion musulmane, la rendre invisible au passant et de fait nier une possible intégration...</span><br />
</div></b>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-10103884962603858442009-12-04T15:41:00.001+01:002009-12-04T15:42:11.188+01:00La poule de l'EHESS entre réalités et interprétations<span style="font-family: Arial; font-size: small;"><span style="font-size: 13px;"><span style="font-size: x-small;">La photo du profil Facebook de la poule de l'EHESS<br />
</span></span></span><br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg046KUCaKMyivnCLYP9os8efpcRHBN820at1GhkaZg1loGgPEAJOAv7J_f4emweC3lFGd8bnm7NfquQjihClVKkB7-JqCXyaJHN5pvJi3a65XAn3NIdti3eQFkTadVNcrV41xeP_DjkRI3/s1600-h/pic.php.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEg046KUCaKMyivnCLYP9os8efpcRHBN820at1GhkaZg1loGgPEAJOAv7J_f4emweC3lFGd8bnm7NfquQjihClVKkB7-JqCXyaJHN5pvJi3a65XAn3NIdti3eQFkTadVNcrV41xeP_DjkRI3/s200/pic.php.jpg" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pour finir la semaine un peu légèrement, je pensais aborder un sujet qui pourrait, si nous n'étions pas en décembre, ressembler à un poisson d'avril alors que la situation est bien réelle. Depuis maintenant plusieurs semaines, presque deux mois, une poule rousse a en effet élu domicile dans le petit jardin du 54 boulevard Raspail, derrière le bâtiment abritant l'EHESS et la Maison des Sciences de l'Homme. Arrivée mystérieusement - personne ne sait vraiment comment et pourquoi elle s'est installée là, elle occupe une partie des discussions de couloirs et de cafés, d'autant plus qu'elle fréquente assidûment les abords de la cafétéria. Nourrie par les uns et les autres, elle a pris un certain embonpoint. Moderne, elle est même présente sur Facebook où un esprit bien intentionné lui a créé un compte intitulé "<a href="http://www.facebook.com/profile.php?id=100000473538958">La poule de l'EHESS</a>". Son profil public nous apprend même qu'elle est fan de Pierre Bourdieu, Walter Benjamin, Maw Weber et Slavoj Zizek. Mais attention, l'animal est sélectif et n'accepte pas le tout-venant comme ami ! C'est ainsi que j'attends toujours qu'elle m'accepte parmi ses connaissances;-)...<br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais que fait cette poule au milieu du sixième arrondissement parisien, me direz-vous ? La réponse est qu'au bout du compte, nous n'en savons rien. On peut en tout cas penser que la situation ne cessera pas d'interroger les chercheurs de l'EHESS. On peut en effet imaginer une foule d'interprétations selon les spécialités de chacun. Nietzsche nous le disait bien : "il n'y pas de faits, mais seulement des interprétations". Le fait ici semble exister, la présence de cette poule, mais les interprétations pourraient peut-être tendre rapidement à la surinterprétation qui est le risque principal guettant tout travail en sciences sociales.<br />
</div><div style="text-align: justify;">En attendant, voici quelques pistes de réflexions possibles et ouvertes à vos éventuels commentaires et à vos propres interprétations, bien entendu...<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pour les historiens, la présence du gallinacée n'aurait d'autre objectif que de nous rappeler à la fameuse question de l'oeuf et de la poule : qui précède l'autre ? qui est à l'origine de l'autre ? On voudra bien se rappeler cependant que Marc Bloch, dans son <i>Métier d'historien</i> nous mettait en garde contre la tentation propre à la tribu des historiens, celle de l'Idole des origines, l'envie de lier une origine inaccessible au savoir avec une période ou un présent donnés et d'expliquer ces derniers par ce lien.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Méfions-nous donc de cette poule venue nous tenter et passons à une autre discipline.<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pour certains économistes, cette poule pourrait être l'avant-garde d'un éventuelle passage aux compétences élargies de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. L'EHESS doit en effet réfléchir, comme l'ensemble des universités françaises, à son passage à un nouveau statut lui accordant l'autonomie financière. Devançant la gestion autonome de ses finances, cette poule serait le premier élément d'une future autoproduction alimentaire (en viande et en oeufs) visant à réduire les coûts de production de la cantine.<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pour les sociologues, la présence de la poule rousse au coeur de Paris serait sans conteste le signe d'une rurbanisation en pleine explosion : non content de quitter la ville pour l'arrière-pays, les citadins introduiraient désormais la campagne à l'intérieur de la capitale...<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais les anthropologues ne partageraient pas l'avis de leurs collègues. Pour eux, nous serions ici en présence de l'engraissement et du stockage de volailles en vue d'un prochain sacrifice vaudou et protéger ainsi l'EHESS des intentions belliqueuses la menaçant... Il pourrait toutefois s'agir d'un rite de remerciement pour la bonne évaluation de l'Ecole au printemps dernier ou encore de la préparation d'un sacrifice pour le bon déroulement du déménagement de l'été prochain.<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">De leur côté, les philosophes sont inquiets : ne serions-nous pas en face d'une critique à peine voilée, comparant l'EHESS à la célèbre poule de Kircher, cette pauvre poule qui n'osait pas sortir du cercle de craie que l'on avait tracé autour d'elle ?<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Pour les spécialistes de la culture visuelle, il paraîtrait évident qu'il s'agit en fait d'une participation de l'EHESS au débat en cours sur l'identité nationale. Comme chacun le sait, le coq gaulois est le symbole de la France... Mais, m'objecterez-vous, c'est une poule, non ? Tout à fait, c'est une poule mais la transformation du coq en poule pourrait symboliser efficacement la parité comme valeur nationale !<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Nous voyons ici la difficulté de concilier les interprétations disciplinaires. Pour l'instant, concluons seulement en nous disant que cette poule est là pour nous offrir l'occasion d'un moment de récréation. C'est déjà beaucoup...<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div class="MsoNormal" style="margin-bottom: 6.0pt; text-align: justify; text-indent: 17.85pt;"><span style="font-family: 'Times New Roman', serif;"><o:p></o:p></span><br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-90380129008264189172009-12-01T15:10:00.001+01:002009-12-01T15:11:40.503+01:00Une invention contemporaine de reliques<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhg00tZPhyphenhyphenfD2pqWD10H_trmjxpnwc8XVMnUPbMIYxK27aRKozMhNqAUv7-2a255nE4rA-3Gmq0ZldrWwLSa9u5DQhpai3QTuIEIBMbOftGQNi52vxMeC2bE9jjM2ANAwZ7D9cQBivXux67/s1600/galileo-relics.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhg00tZPhyphenhyphenfD2pqWD10H_trmjxpnwc8XVMnUPbMIYxK27aRKozMhNqAUv7-2a255nE4rA-3Gmq0ZldrWwLSa9u5DQhpai3QTuIEIBMbOftGQNi52vxMeC2bE9jjM2ANAwZ7D9cQBivXux67/s200/galileo-relics.jpg" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;">La nouvelle est passée presque inaperçue le 20 novembre dernier : on a retrouvé des reliques de Galilée (voir photo ci-contre - AP). L'annonce, très sérieuse, a été faite par Paolo Galluzzi, directeur du Musée d'Histoire de la Science à Florence. L'histoire semble anecdotique, elle est pourtant comparable à la plupart des récits de redécouvertes de reliques même si, dans le cas de Galilée, il ne s'agit pas d'un "saint" au sens religieux du terme (on pourrait par contre lui accorder le statut de "héros" ou "martyr" de la science si on voulait faire un parallèle).<br />
</div><div style="text-align: justify;">Un collectionneur (anonyme) a en effet acheté récemment lors d'une vente aux enchères des objets qualifiés de "non identifiés" placés dans un vase du XVIIIe siècle avant de s'apercevoir qu'il s'agissait d'ossements humains. Son enquête, dont les détails n'ont pas été rapportés par les médias, le conduit à penser qu'il s'agirait de deux doigts et d'une dent de Galilée prélevés sur son cadavre en 1737, soit 95 ans après sa mort, lors du transfert de sa dépouille dans la Basilique Santa Croce de Florence. A cette occasion un autre doigt et une vertèbre avaient également été prélevés et conservés par la suite dans des musées de Florence et de Padoue. De 1737 à 1905, les deux doigts et la dent furent conservés par une même famille avant que l'on perde la trace de ces reliques. L'acquisition récente du collectionneur anonyme est donc une redécouverte de reliques disparues depuis plus de cent ans... Le schéma de transmission de ces reliques est donc le suivant : prélèvement tardif lors d'une translation des restes - conservation dans un cadre privé - disparition des reliques - réapparition après authentification d'un objet dans un premier temps non identifié. Pour clore ce schéma, ajoutons que les reliques seront exposées à partir du printemps 2010 au Musée d'Histoire de la Science de Florence. Enfin, l'authenticité de ces reliques est affirmée à travers l'autorité savante, le directeur du musée ayant déclaré pour couper court à toute polémique : "A la lumière d'une documentation historique considérable, l'authenticité de ces éléments ne fait aucun doute".<br />
</div><div style="text-align: justify;">Ceux qui connaissent l'histoire religieuse reconnaîtront dans ce schéma les étapes classiques de l'invention (au sens de "découverte") ou de la conservation des reliques. La différence avec ce qui est connu est sans doute l'extrême contemporanéité de l'évènement : il ne s'agit pas d'une redécouverte après un moment passé de crise (comme une révolution ou une guerre) que l'historien reconstitue à partir de ses sources mais d'une redécouverte fortuite dans un cadre à la fois antiquaire et scientifique qui a lieu sous nos yeux.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Ce qui change peut-être aussi est la réaction face à cette redécouverte. Si l'exposition est envisagée, les réactions des internautes ont été peu nombreuses. L'invention des reliques de Galilée se déroule donc dans une certaine indifférence. Ceux qui réagissent sont loin d'être enthousiastes. Bien au contraire, c'est le scepticisme qui prédomine. Il m'a semblé intéressant de noter les différents types d'arguments du rejet de ces reliques, tout en s'interrogeant sur leur continuité historique. Ces arguments ont été quasiment fixés au XVIe siècle par Calvin dans son fameux <i>Traité des reliques</i> (1543) dans lequel il synthétise et radicalise les arguments de ses prédécesseurs humanistes. Ses arguments sont, en résumé, de trois types : théologique (le culte des reliques est une idolâtrie), pragmatique (les reliques sont généralement fausses) et morale (la relique est un morceau de cadavre). Dans le cas de Galilée, l'argument théologique ne peut être utilisé puisqu'il n'y a pas <i>a priori</i> pas de culte. Cependant, on remarquera que le débat glisse parfois sur le rôle de Galilée dans l'histoire de la science, le "saint"/"héros"/"martyr" devenant un exemple et non une idole. Les deux autres types d'arguments sont par contre bien présents dans les commentaires des internautes. Je vous donne ici quelques exemples de réactions, classées par types d'argumentation.<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><b>Vraies ou fausses ?</b><br />
</div><div style="text-align: justify;">Comme l'écrivait Calvin, "c'est une chose notoire que la plupart des reliques qu'on montre partout sont fausses et ont été mises en avant par moqueurs qui ont impudemment abusé le pauvre monde". Cette déclaration a marqué la critique des reliques jusqu'à nos jours et les lecteurs de l'information en sont également habités :<br />
</div><blockquote style="text-align: justify;">"Comment être certain que ces reliques proviennent de Galilée ?? Même son ADN ne peut être comparé avec rien du tout. C'est n'importe quoi et en tout cas, très laid" (un lecteur de la <a href="http://www.lanouvellegazette.be/magazines/insolite/2009-11-20/deux-doigts-et-une-dent-de-galilee-retrouves-741854.shtml">Nouvelle Gazette</a> - Belgique)<br />
</blockquote><blockquote style="text-align: justify;">"Comment être sûr ????? La police avait ses empreintes ou bien ils ont récupéré les fiches du dentiste ??????" (un lecteur du <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2009/11/20/01011-20091120FILWWW00594-2-doigts-et-une-dent-de-galilee-trouves.php?mode=commentaires">Figaro</a> - France)<br />
</blockquote><div style="text-align: justify;">Signe des temps, là où Calvin avançait l'impossible authentification historique ou la multiplicité des reliques, c'est ici l'argument policier (empreinte ADN ou dentaire) qui prédomine...<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><b>Reliques et cadavre</b><br />
</div><div style="text-align: justify;"><b></b>"C'était l'office des chrétiens de laisser les corps des saints en leur sépulcre pour obéir à cette sentence universelle que tout homme est poudre et retournera en poudre", nous dit Calvin, renvoyant la relique dans la tombe comme les cendres d'un défunt. Deux siècles et demi plus tard, la révolution, dans son épisode déchristianisateur, a vu elle aussi certains de ses acteurs renvoyer la relique à son état morbide. Ainsi, en avril 1794, un ancien prêtre constitutionnel dénonce au district de Toulouse les pratiques de la municipalité de Pibrac : "Vous n'ignorez pas sans doute qu'un cadavre, nommé sainte Germaine, existe dans l'église de cette commune et que ce cadavre est regardé comme saint". Plus loin, il le qualifie même de "corps pourri" (cité dans Stéphane Baciocchi et Dominique Julia, "Reliques et Révolution française", in <i><a href="http://monaccin.blogspot.com/2009/10/anthropologie-historique-des-reliques.html">Reliques modernes</a></i>, p. 551-552). Dans certaines villes pendant la Révolution, les reliques sont d'ailleurs inhumées, comme celles de saint Remi à Reims. Du sentiment religieux de Calvin, en passant par la Révolution, l'évolution du regard désacralisateur sur la relique se poursuit aujourd'hui alors que le commerce des reliques corporelles est prohibé sur eBay, le <a href="http://pages.ebay.fr/help/policies/remains.html">règlement</a> précisant que "la vente d'organes, de tissus, de cellules, de sang et de tout autre produit du corps humain est strictement interdite sur le site". A l'heure où la relique est redevenue partie de corps humain, les internautes ne se privent donc pas d'argumenter leur dégoût devant la future exposition des reliques de Galilée :<br />
</div><blockquote style="text-align: justify;">"Personnellement, j'ai du mal à comprendre comment on peut en arriver là. Qui voudrait des morceaux de cadavres ? Peu importe à qui était le corps à la limite, je trouve ça tellement morbide et sans aucun intérêt. Autant, je peux comprendre les pilleurs de tombes qui récupère des objets précieux, autant, là, ça me dépasse..." (un intervenant sur <a href="http://www.forum-religion.org/general/reliques-de-galilee-t23482.html">www.forum-religion.org</a>)<br />
</blockquote><blockquote style="text-align: justify;">"La façon dont on déterre et exhibe les corps est vraiment dégoutante. Est-ce que ces gens aimeraient que l'on déterre leurs parents et qu'on les expose ?" (un intervenant sur <a href="http://www.forum-religion.org/general/reliques-de-galilee-t23482.html">newsvine.com</a>)<br />
</blockquote><blockquote style="text-align: justify;">"Mon Dieu, c'est morbide, primitif et inexcusable... Rassemblez tous ses morceaux et arrêtez ça... Accordez-lui le respect que nous voudriez tous pour nous-mêmes dans la mort. Enterrez-le... En entier... En un seul endroit... Et laissez-le tranquille" (un autre intervenant sur <a href="http://technology-science.newsvine.com/_news/2009/11/20/3527047-galileos-2-missing-fingers-and-a-tooth-found?pc=25&sp=25#c10814567">newsvine.com</a>)<br />
</blockquote><blockquote style="text-align: justify;">"Certaines des idées de Galilée sont des vérités éternelles. Toutes les parties de son corps détériorées devraient être enterrées. Si une de ces institutions se pliant à la curiosité de mauvais goût du public avait un peu de classe ou de décence, elle remettrait ces morceaux de corps dans la tombe de Galilée" (un autre intervenant sur <a href="http://technology-science.newsvine.com/_news/2009/11/20/3527047-galileos-2-missing-fingers-and-a-tooth-found?pc=25&sp=25#c10814567">newsvine.com</a>)<br />
</blockquote><div style="text-align: justify;">De l'argument religieux de Calvin et de la polémique anticléricale des révolutionnaires, la question du rapport entre reliques et cadavres s'est donc déplacée sur le domaine de la sensibilité. La relique est ici humanisée, elle est aux yeux de ceux qui réagissent ainsi véritablement un morceau de cadavre - l'argument n'impliquant ici aucune autre arrière-pensée - et cela leur est insupportable. Ainsi la comparaison entre reliques et cendres, si l'on peut bien affirmer qu'elle était déjà présente chez Calvin, ne semble pas forcément relever de la même logique.<br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-59777938007438164402009-11-09T21:54:00.004+01:002009-11-09T21:55:49.000+01:00Interdiction de photographier<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhhhVji-KXLjOVpxvT65QWfbk7rEUYvYaYxFApzoTnmlzKpLtfw4dJohE723Ji1vdC-x7jOe_RqkuXGx-sMqyGZqsqQLWR9RqFx4OWL8L5eTHstniVMci5wd1KUi_-XN1EdDE2StZN6EWdm/s1600-h/zogu_thiais.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="240" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhhhVji-KXLjOVpxvT65QWfbk7rEUYvYaYxFApzoTnmlzKpLtfw4dJohE723Ji1vdC-x7jOe_RqkuXGx-sMqyGZqsqQLWR9RqFx4OWL8L5eTHstniVMci5wd1KUi_-XN1EdDE2StZN6EWdm/s320/zogu_thiais.jpg" width="320" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;"><div style="text-align: left;"><span style="font-size: x-small;">La tombe (anonymisée) d'un roi d'Albanie dans le cimetière parisien de Thiais : une photo interdite ?</span><br />
</div></div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
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Ce n'est un secret pour personne, avec la photographie numérique, la prise de vue a connu une croissance extraordinaire. Désormais, tout le monde prend des photos dans les circonstances les plus diverses et ce avec des appareils dont la technicité va du plus simple, comme les téléphones portables, au plus perfectionné. Sans juger ici de la qualité technique ou artistique, on peut dire que la plupart des gens peuvent sans difficulté s'adonner à la photographie. Soit. Mais une autre question surgit : peut-on tout photographier ? Il y a encore quelques années, il était par exemple quasiment impossible d'inscrire sur la pellicule le souvenir d'un concert auquel on assistait ; désormais, on se demande parfois si les spectateurs ne regardent pas plus leur portable ou leur appareil que la scène... De même, les bâtiments officiels sont à ma connaissance assez facilement photographiables alors qu'au contraire, en Albanie, il m'a été impossible de prendre en photo le palais présidentiel ou le siège du Premier Ministre sans voir un policier ou un militaire me dire que cela n'était pas permis.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Je voudrais ici m'arrêter sur une interdiction dont l'existence, il me semble, va plus loin que la simple question du droit à photographier. Je me souviens, il y a quelques années, alors que je recensais des tombes anciennes dans le cimetière d'un village de Seine-et-Marne, un ami photographe, qui m'aidait pour l'occasion, m'avait prévenu : photographier dans un cimetière était interdit. Je me suis donc demandé ce qu'il en était aujourd'hui.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Un constat tout d'abord : les photos de tombes ou de cimetières sont nombreuses sur Internet. Si on prend en exemple <a href="http://www.flickr.com/">Flickr</a> et qu'on y saisisse comme mot-clé "cimetière", on trouve près de 84 000 éléments et autour de 22 000 pour "tombe". Le choix du cimetière comme thème de prise de vue existe donc bien.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Pourtant, un coup d'oeil rapide sur quelques règlements de cimetières permet de constater l'illégalité de la plupart de ces photos.<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Ainsi, pour le cimetière de <a href="http://www.ville-bourges.fr/vie-pratique/cimetieres.php">Bourges</a>, il est précisé qu'il "est interdit de photographier dans les cimetières sans une autorisation", comme à <a href="http://www.mairie-belfort.com/guv/pdf_etatcivil/rglt_cimetieres.pdf">Belfort</a> où il est interdit "de photographier les monuments sans l’autorisation de l’Administration municipale."<br />
</div><div style="text-align: justify;">Pour celui de <a href="http://www.mairie-brest.fr/deces-cimetieres/rglmt_cimetieres.pdf#nameddest=titre9">Brest</a>, le texte contenu dans l'article 83 est plus explicite, surtout quand on prend en considération le titre de l'article ("Obligation de décence") :<br />
</div><blockquote><div style="text-align: justify;">"Il est défendu de tenir dans les cimetières des réunions autres que celles consacrées exclusivement au culte et à la mémoire des morts, d'apposer à l'intérieur ou à l'extérieur de son enceinte des panneaux ou affiches publicitaires ou autres, de faire aux visiteurs ou aux personnes qui suivent les convois des offres de service ou remise de cartes ou d'adresses, et de stationner dans ce but soit aux portes du cimetière soit aux abords des sépultures et dans les allées.<br />
</div></blockquote><blockquote><div style="text-align: justify;">Il est interdit également de se livrer à l'intérieur du cimetière à des travaux photographiques ou cinématographiques, sauf autorisation du maire, et d'effectuer quêtes ou collectes."<br />
</div></blockquote><div style="text-align: justify;">A <a href="http://www.selestat.fr/spip_habitant/IMG/pdf/2004-534.pdf">Sélestat</a>, "il est expressément interdit de s'y livrer sans autorisation à des opérations photographiques ou vidéos et généralement de commettre aucun acte contraire au respect dû à la mémoire des morts" (art. 7).<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">A <a href="http://www.jouy-en-josas.fr/iso_album/reglement_cimetiere_au_01_09_2009.pdf">Jouy-en-Josas</a>, l'article 13 déplace le problème de la décence vers le droit à l'image :<br />
</div><blockquote><div style="text-align: justify;">"L’activité des photographes et cinéastes est soumise à autorisation lorsqu’elle s’exerce dans un cadre professionnel ou commercial."<br />
</div></blockquote><div style="text-align: justify;">Tout comme à <a href="http://www.paris.fr/portail/viewmultimediadocument?multimediadocument-id=12823">Paris</a> où<br />
</div><blockquote><div style="text-align: justify;">"L’activité des photographes et cinéastes est soumise à autorisation lorsqu’elle s’exerce dans un cadre professionnel ou commercial."<br />
</div></blockquote><div style="text-align: justify;">On pourrait multiplier les exemples mais je vous ai cité ici les différents types d'interdiction, les règlements comportant souvent les mêmes termes. Précisons que ces règlements ont le statut d'arrêtés de police pris par le maire après approbation du conseil municipal, ce qui explique qu'il n'y a pas UN règlement type pour toutes les communes. Certaines municipalités, comme <a href="http://www.erf-castres.org/histoire_architecture_patrimoine/cimetiere_st_jean/reglement_cimetiere.htm#chapitreB">Castres</a>, ont d'ailleurs choisi de ne pas réglementer la photographie dans leur cimetière. Enfin, dans certains cas, c'est l'autorisation de la famille qui est nécessaire.<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Plusieurs témoignages attestent de l'application de ces règlements. Ainsi, sur un <a href="http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/Sites-et-vestiges-de-la-Grande-Guerre/photographies-sepultures-publication-sujet_390_1.htm">forum</a> consacré à la Première Guerre Mondiale, un internaute raconte :<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><blockquote><div style="text-align: justify;">"Je me promène fréquemment dans les cimetières surtout municipaux, et fais des photos de sépultures (le plus souvent civiles) de soldats de la GG.<br />
</div></blockquote><blockquote><div style="text-align: justify;">Dans une grande nécropole civile, un employé du cimetière m’ a courtoisement informé qu’il était interdit de photographier, que mon matériel photographique pouvait m’être confisqué... qu’une autorisation était nécessaire pour faire des images. <br />
</div></blockquote><blockquote><div style="text-align: justify;">J’écris au service idoine de la ville pour obtenir une autorisation, un élu m’a répondu que l’accord des familles était nécessaire."<br />
</div></blockquote><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div><div style="text-align: justify;"><span style="font-family: Arial; font-size: small;"><span style="font-size: 13px;"><span style="font-family: 'Times New Roman';"><span style="font-size: medium;">A la lecture de la règlementation, on peut arriver à distinguer trois grands cas : </span></span></span></span><br />
</div></div><div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><ul><li>l'interdiction n'est pas motivée</li>
<li>l'interdiction est motivée pour des raisons de décence</li>
<li>l'interdiction, réservée aux professionnels, est motivée par un droit à l'image</li>
</ul><br />
</div><div><div style="text-align: justify;"><br />
</div></div><div><div style="text-align: justify;">De la non-motivation de l'interdiction, on ne peut pas déduire grand chose, sauf peut-être que l'interdiction va de soi pour le rédacteur du règlement. Par contre, les deux derniers cas sont chacun intéressants et méritent un petit développement<br />
</div><div style="text-align: justify;">.<br />
</div></div><div><div style="text-align: justify;">L'interdiction pour des raisons de décence éclaire en partie le rapport qu'entretiennent avec la mort nos sociétés contemporaines. Les morts sont ici tenus à distance et peuvent même être destinataire d'un culte. Il est frappant par exemple de lire dans le règlement intérieur du cimetière de Brest que les réunions autorisées sont "celles consacrées exclusivement au culte et à la mémoire des morts". Michel Lauwers, dans son ouvrage <i>Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terres des morts dans l'occident médiéval" </i>(Aubier, 2005) a bien montré comment du Haut Moyen Age au XIIe siècle, le cimetière est un lieu de vie où les hommes se réunissent pour des marchés ou rendre la justice. L'apparition d'une pastorale de la mort aux XII-XIIIe siècle<i>s </i>change progressivement la donne pour n'en faire qu'un lieu dévolu aux morts et consacré. Finalement, le règlement de Brest est encore un héritier de cette transformation. Dans cette optique, le cimetière est le lieu des morts, du deuil, du recueillement et de l'hommage rendu aux défunts. Placé à l'écart de la commune ou derrière de hauts murs, il est un monde séparé de celui des vivants dans lequel on ne pénètre que pour s'adresser aux morts par la prière ou le respect. Dès lors, photographier une tombe c'est troubler le repos du mort, c'est ne pas lui manifester de respect. Et ce rapport à l'au-delà, c'est aussi sans doute tenir éloigner la mort au point de ne pas en publier l'image.<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div></div><div><div style="text-align: justify;">La publication de cette image nous conduit vers le dernier cas. Dans un certain nombre d'exemple, l'interdiction est réservée aux professionnels, c'est-à-dire à ceux qui publieront ou vendront les photographies de tombes. Ainsi l'association Real et Chef'op qui propose d'accompagner la réalisation de courts-métrages, précise dans son <a href="http://courtmetrage.frbb.net/preparation-du-tournage-f8/6-listing-des-autorisations-t33.htm">listing des autorisations</a> à demander qu'il faut obtenir l'accord de la mairie avant un tournage dans un cimetière et "préserver l'anonymat des sépultures, ou voir avec les familles des défunts". et d'ajouter : "Attention, certaines sépultures peuvent aussi être protégées comme oeuvre artistique". On touche ici clairement au statut juridique des sépultures et des défunts. Tout d'abord, la tombe contient des informations privées (dates de naissance et de décès mais aussi autres mentions possibles sur les plaques d'hommages). Comme les vivants, les morts auraient donc droit à un respect de la vie privée. On rejoint ici la question de la communicabilité des archives contenant des données personnelles... Les droits des héritiers sont quant à eux défendus par la loi. En effet, la <a href="http://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=ESLM_125_0051">jurisprudence française</a> qualifie la dépouille mortelle de "copropriété familiale" et au regard de la loi, "la sépulture est l'accessoire du cadavre dont elle s'inspire du régime juridique pour en assurer la protection", pour reprendre les termes de la motivation d'une <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/11/propositions/pion2714.asp">proposition de loi</a> contre les atteintes au respect des morts. La sépulture est de fait une propriété privée qu'on ne peut photographier sans autorisation. Enfin, l'argument de la protection de la tombe comme oeuvre artistique renvoie au droit d'auteur ainsi qu'à l'exploitation possible du patrimoine culturel. De ces deux derniers points, il ressort donc que ce n'est pas le droit des morts qui est protégé mais celui des ayant-droits. Cependant, on pourrait se demander si les protections légales mentionnées dans ces points n'ont pas été mises en avant pour assurer juridiquement la protection de la décence qui, elle, peut paraître floue. Le caractère sacré des morts rejoindrait alors le caractère sacré et inviolable de la propriété défendue par le législateur.<br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">Malgré des glissements vers le droit de la propriété ou le droit à l'image, l'interdiction de photographier dans les cimetières semble revêtir essentiellement, c'est-à-dire dans son essence même, un caractère religieux. Il s'agit d'assurer la non-violation du repos des morts et par extension le respect de la séparation entre le monde des vivants et celui des défunts. Si dans certaines villes, comme Paris, le cimetière peut devenir un lieu de promenade culturelle, on remarquera que dans la quasi totalité des communes - et peut-être encore plus dans les communes rurales - le cimetière reste un lieu sacré, séparé des habitations et de la vie quotidienne, dans lequel on entre pour rendre hommage aux disparus, voire, selon les types de croyances, communiquer avec eux. Y photographier reviendrait peut-être à troubler cet équilibre construit petit à petit pendant les derniers siècles et qui subsiste dans une République, certes laïque, mais dans laquelle le culte des morts demeure très vivant.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Une autre question pourrait maintenant se poser : pourquoi photographie-t-on dans un cimetière ? Ce sera peut-être l'objet d'un autre texte...<br />
</div></div><div><div style="text-align: justify;"><br />
</div></div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com10tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-38870743122946675432009-10-20T16:58:00.003+02:002009-10-20T17:00:45.623+02:00Abélard en Seine-et-Marne ou la patrimonialisation d'une erreur historique<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="http://www.insecula.com/PhotosNew/00/00/07/12/ME0000071265_3.JPG" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="247" src="http://www.insecula.com/PhotosNew/00/00/07/12/ME0000071265_3.JPG" width="320" /></a><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: xx-small;">Tableau de J.-A. Benouville intitulé "Abélard parlant à ses étudiants près de Melun", 1837, Pinacothèque de Munich</span> <br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
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Si on entend le plus souvent par patrimoine d'une commune ou d'un département ses monuments, il peut revêtir également un sens plus immatériel comme une langue, une musique, une culture ou des liens avec un personnage marquant de l'histoire. Aussi, au delà des édifices, il est fréquent d'associer une ville ou un village à un personnage dont l'aura passé retombe sur les rues qu'il a un jour parcouru. C'est ainsi qu'on liera La Fontaine à Château-Thierry, Bossuet à Meaux ou encore Gaston Fébus à Foix. <br />
</div><div style="text-align: justify;">Les liens entre Pierre Abélard, intellectuel du début du XIIe siècle, célèbre pour son histoire avec Héloïse, et la Seine-et-Marne sont multiples. Bien sûr parler de la Seine-et-Marne pour un personnage du XIIe siècle n'a pas beaucoup de sens mais deux villes au moins peuvent s'enorgueillir d'avoir accueilli le brillant penseur. Tout d'abord Melun, alors dans le domaine royal, où Abélard s'installe comme enseignant en 1102 avant de passer à Corbeil puis y revenir en 1109 après plusieurs péripéties. Peut-être d'ailleurs que le choix du nom de la médiathèque de la ville (dite de l'Astrolabe) n'est pas étranger à ce fait historique puisqu'Astrolabe est aussi le nom du fils d'Héloïse et Abélard. La deuxième ville pourrait être Provins (alors dans le comté de Champagne) dans laquelle Abélard se réfugie après sa fuite de l'abbaye de Saint-Denis en 1122, peu avant de fonder Le Paraclet. Si les deux villes ont dédié une rue à Abélard, on remarquera toutefois que ni l'une ni l'autre n'en font une célébration massive : sur le <a href="http://www.ville-melun.fr/melun/menu_haut/tourisme/decouvrez_melun/histoire_1">site de la mairie de Melun</a>, il est mentionné dans une liste d'écrivains ayant séjourné dans la ville tandis que le site de Provins ne le cite même pas. Notons toutefois que sa présence en ces lieux est signalé sur le site des archives départementales de Seine-et-Marne dans la rubrique "<a href="http://archives.seine-et-marne.fr/pierre-abelard-1079-1142-et-heloise-1101-1164">Figures locales</a>".<br />
</div><div style="text-align: justify;">C'est curieusement un petit village entre Meaux et Coulommiers, Maisoncelles-en-Brie, qui s'attache le plus à inscrire Pierre Abélard dans son patrimoine. Tout commence en 1845 avec la publication par Charles de Rémusat de la première biographie d'Abélard et <a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k75217w.image.r=maisoncelle.f101.langFR">une note</a> que l'auteur glisse au sujet d'un passage de son autobiographie (<i>L'histoire de mes malheurs</i>) on ne peut plus flou<i></i>. En 1120, Abélard, alors moine à l'abbaye de Saint-Denis, s'installe hors du monastère pour reprendre son enseignement. Lui-même dit : "Je finis par me retirer dans un sanctuaire (<i>ad cellam quamdam</i> ; quelques fois traduit comme "prieuré" ou comme "cellule de moine) et repris mes habitudes d'enseignant. Mes cours attirèrent une telle foule d'étudiants que la place manqua pour les loger et la terre pour les nourrir". Plus loin il précise que cet endroit se trouvait sur les terres du comte Thibaud (donc en Champagne). Le texte original et les sources de l'époque ne permettent pas d'en dire plus sur ce lieu d'enseignement. Dans son texte, Charles de Rémusat reprend l'identification faite - sans explication - par l'éditeur du tome XIV du <i>Recueil des Historiens des Gaules</i> contenant le récit d'Abélard. A la suite des mots "ad cella quamdam", ce dernier insère une note contenant un mot : "Maisoncelle" sans autre précision. Rémusat l'utilise donc pour son livre mais pas sans soupçon :<br />
</div><blockquote><div style="text-align: justify;">"D. Brial <i>seul</i> dit que ce lieu est Maisoncelle. Il y a dans le département de Seine-et-Marne plusieurs villages de ce nom. Le lieu où habitait Abélard [...] peut être ou Maisoncelle de l'arrondissement et du canton de Coulommiers, ou <i>plutôt</i> Maisoncelles du canton de Villiers-Saint-Georges dans l'arrondissement de Provins" (NB : auj. dans la commune de Saint-Martin-du-Bochet).<br />
</div></blockquote><div style="text-align: justify;">On voit nettement qu'il s'agit d'une hypothèse qui ne convainct pas complètement Rémusat et que celui-ci préfère situé l'endroit dans les environs de Provins, c'est-à-dire au plus près du comte de Champagne, qui s'impose comme protecteur d'Abélard. On voit ici le peu de considérations que l'historien peut accorder à l'identification proposée : le mot "cella" du texte original se retrouvant dans le nom de lieu Maisoncelles et Maisoncelles appartenant à l'origine à l'abbaye de Saint-Denis, on en a déduit qu'Abélard y avait séjourné... Le fil est mince mais tenace surtout quand un érudit de la fin du XIXe siècle, Gabriel du Chaffault, publie un livre intitulé <i>Mesoncelles-en-Brie, dépendance de l'abbaye de Saint-Denis - Abélard et Héloïse</i> (1894). Reprenant l'hypothèse, qui sous sa plume n'en est plus une, de ses deux prédécesseurs, il lie définitivement le village à la figure d'Abélard dans la seule monographie consacrée à la commune.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Cependant, pour tout spécialiste de l'époque, l'erreur est grossière. D'une part le lien entre le mot latin utilisé par Abélard (qui désigne en fait un lieu d'habitation de religieux dans un sens large) et le nom du village ne peut constituer une preuve tangible. De plus, Pierre Abélard explique dans le même passage que le succès de ses cours réduisaient "ceux de tous les autres enseignants", ce qui signifie qu'il est alors à proximité (voire dans) une ville avec plusieurs professeurs, ce qui n'est sans doute pas le cas d'un village de la campagne briarde. C'est d'ailleurs pour cette raison que des historiens spécialistes du XIIe siècle comme Michael Clanchy ou John Benton préfèrent imaginer l'endroit à proximité immédiate de Paris ou aux alentours de Nogent-sur-Seine (voir les explications : M. Clanchy, <i>Abélard</i>, Paris, 2000, p. 284). Ajoutons-y un argument de poids lié au contexte local : Maisoncelles se situe à cette période dans la forêt du Mans, massif forestier entre Meaux et Coulommiers aujourd'hui pratiquement disparu. C'est d'ailleurs de là que la localité tire son nom : le "Maison" de Maisoncelles, comme pour la commune voisine de la Haute-Maison, se rapporte bel et bien au nom de la forêt du Mans. Or, cette forêt n'est défrichée qu'à partir du XIIIe siècle. C'est vers 1220-1230 que la paroisse de la Haute-Maison par exemple est créée. Il en va de même pour Maisoncelles. Jusque là les religieux de Saint-Denis n'avaient que des droits sur une partie de la forêt et le défrichement permet l'apparition de nouvelles communautés villageoises (dont le partage des revenus est négocié, comme en témoignent quelques chartes du cartulaire du chapitre cathédral de Meaux). On peut donc affirmer avec certitude que Maisoncelles n'existe pas au début du XIIe siècle et que donc Abélard n'a pu s'y installer avec ses étudiants. Pour l'historien, il faut se résoudre à quelques hypothèses qui demeurent incertaines...<br />
</div><div style="text-align: justify;">Oui, mais voilà, les livres de Rémusat et de Chaffault ont fait leur effet. Le village de Maisoncelles est désormais largement associé à Pierre Abélard : on y trouve par exemple une "rue du château d'Abélard et Héloïse" (car la légende veut aussi que les deux amants s'y soient retrouvés) et une maison de retraite "Héloïse et Abélard". En octobre 2009, la municipalité a même inauguré la nouvelle école placée sous le patronnage de "Pierre Abélard". Le site de la mairie consacre une longue <a href="http://maisoncellesenbrie.com/articles.php?lng=fr&pg=74">page</a> au grand personnage, précisant même qu'Abélard y écrivit des lettres à Héloïse ! <br />
</div><div style="text-align: justify;">On est donc bien ici face à la patrimonialisation d'une erreur historique. Car la commune de Maisoncelles met en avant un personnage qui n'a vraisemblablement jamais mis les pieds sur son territoire. On peut, à partir de ce cas, engager une réflexion sur le rôle actuel de l'historien. Le métier d'historien est fait d'hypothèses qu'il faut explorer, conforter ou infirmer. Or, le grand public attend de l'historien un lien entre le présent et le passé, une base solide à la constitution d'une tradition, d'un patrimoine, d'une mémoire. Certes, l'historien ne peut changer ses méthodes de travail. Par contre, il est important d'expliquer aux non-initiés comment on fabrique l'histoire et de faire comprendre la part d'hypothétique de cette science humaine.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Pour terminer avec les péripéties de Pierre Abélard en Seine-et-Marne, je voudrais signaler un autre phénomène. En effet, la présence d'Abélard à Maisoncelles révélée par le livre de Gabriel de Chaffault semble avoir pénétré un peu dans la tradition orale des communes avoisinantes. J'ai lu récemment des notes laissés par un historien et folkloriste amateur, Gérard Mourlet, qui travailla sur le village de Quincy-Voisins dans les années 60. Voici ce qu'il rapporte : "Madame D... Germaine nous signale que la croix de Ségy serait posée à l'emplacement même d'un couvent et Abélard serait venu s'y reposer". Ségy est un hameau de Quincy-Voisins, commune située à une dizaine de kilomètres de Maisoncelles. Il n'y a jamais eu de couvent à cet endroit et il est fort peu probable que le mari d'Héloïse soit venu y séjourner mais que cette note empêche toutefois une future patrimonialisation...<br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-69524013207346304362009-10-15T16:54:00.001+02:002009-10-15T16:55:43.689+02:00Cendres ou reliques ?<div class="separator" style="clear: both; text-align: left;"><a href="http://lh6.ggpht.com/_JHGLfFiI_8c/SP3ivmEObFI/AAAAAAAAAWA/0e7PEVI3u80/tombe%20m%C3%A8re%20Teresa.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="279" src="http://lh6.ggpht.com/_JHGLfFiI_8c/SP3ivmEObFI/AAAAAAAAAWA/0e7PEVI3u80/tombe%20m%C3%A8re%20Teresa.jpg" width="420" /></a><span style="font-size: xx-small;"> Scène de dévotion devant la tombe de Mère Teresa à Calcutta (Inde)</span><br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><br />
</div><div style="text-align: justify;">La semaine dernière, le premier ministre albanais, Sali Berisha, a annoncé que son gouvernement avait officiellement demandé à son homologue indien le rapatriement des cendres de Mère Teresa, religieuse béatifiée, née en Macédoine mais d'origine albanaise, dont on doit fêter le centenaire de la naissance en août 2010. Dans le même temps, l'Albanie a également adressé une requête de même nature au gouvernement français pour envisager le retour du corps du roi Zog Ier, enterré en France au cimetière parisien de Thiais. Le retour des restes de ces deux personnages s'inscrit dans l'agencement d'un panthéon national albanais. Le roi Zog, longtemps discrédité par le régime communiste, est désormais vu comme le modernisateur de l'Etat albanais. Quant à Mère Teresa, dont les cendres sont aussi réclamées par la Macédoine, elle est, dans le discours nationaliste, le symbole de la tolérance érigée en caractère national albanais. Elle est également la personnalité d'origine albanaise la plus célèbre du XXe siècle. Symboliquement, elle est déjà très présente sur le territoire albanais : outre l'hôpital Mère Teresa et la place Mère Teresa devant l'université de Tirana, elle a surtout donné son nom à l'aéroport international de Rinas, affichant ainsi le lien fort entre elle et l'Albanie. ou plutôt entre l'Albanie et elle En réclamant le corps de Mère Teresa, Sali Berisha entend définitivement nationaliser la religieuse de Calcutta, avec un intérêt d'autant plus grand que plusieurs pays des Balkans se disputent son origine.<br />
</div><div style="text-align: justify;">La réaction du gouvernement indien ne s'est pas fait attendre. Mardi 12 octobre, le porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères indien a déclaré : "Mère Teresa était une citoyenne indienne et elle repose dans son propre pays, sa propre terre", ajoutant que la question de son retour en Albanie "ne se pose même pas". En effet, Mère Teresa avait en 1951 obtenu la nationalité indienne et vécut le reste de sa vie à Calcutta où elle fonda son ordre des Missionnaires de la Charité. Elle est d'ailleurs mondialement connu comme "Mère Teresa de Calcutta" même si les promoteurs identitaires albanais la surnomme souvent "Mère Teresa des Albanais". Sali Berisha estime quant à lui que la question reste ouverte et que les deux pays doivent en discuter. Il a d'ailleurs réitéré son souhait, précisant "qu'elle serait plus tranquille que partout ailleurs si elle pouvait reposer à côté de sa mère et de sa soeur" enterrées à Tirana, tirant ainsi à la fois sur une corde sentimentale et sur l'idée que la famille est la base de la nation albanaise. Il est clair que la réponse de l'Inde ne changera pas mais le discours de Sali Berisha est-il adressé à l'Inde ou aux albanais ? Le premier ministre semble en effet soucieux d'encourager le patriotisme de ses concitoyens. Dès lors la concomitance des deux demandes serait le signe d'une volonté d'offrir un support à une ferveur nationale.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Mais il semble aussi que Sali Berisha n'ait pas vraiment compris les enjeux de ce qu'il demandait. J'ai déjà montré ailleurs que la neutralité laïque de l'Etat albanais, couvert par un discours de tolérance interconfessionnelle, gomme tout aspect sacré des questions religieuses pour n'en garder qu'une essence nationale entrant dans un discours d'unité au dessus des communautés catholique, orthodoxe ou musulmane. Or, pris dans ce carcan idéologique, il en a oublié le caractère religieux de sa requête. Car, en demandant le retour des cendres de Mère Teresa en Albanie, il ne réclame pas le corps d'un héros national mais le corps d'une religieuse béatifiée dont les restes ont le statut de reliques aux yeux de toute la catholicité. Fait révélateur, il se trouve, qu'en même temps que la réponse du gouvernement indien, on a appris par la porte-parole des Missionnaires de la Charité, que l'ordre fondé par Mère Teresa, et qui conserve sa tombe en l'offrant à la vénération, n'avait même pas été sollicité par le gouvernement albanais. S'inscrivant dans la logique d'un discours nationaliste, Sali Berisha n'a donc pas pris en compte l'identité catholique de celle dont il réclame les cendres. <br />
</div><div style="text-align: justify;">La question est portant cruciale : la tombe de Mère Teresa contient-elle ses cendres ou ses reliques ? Un non-catholique (athée ou d'une autre confession) répondrait qu'il s'agit bien de ses cendres mais un catholique parlerait ici de ses reliques. Et c'est bien ainsi que les Missionnaires de la Charité les considèrent. Si on se rend sur le site du Centre Mère Teresa de Calcutta, on trouve une page intitulée <a href="http://www.motherteresa.org/09_relics/RELICS.htm">"Relics"</a> sur laquelle on explique justement ce que sont les reliques et le statut pris par ce corps après la béatification de la religieuse. On explique même la démarche à suivre pour recevoir une relique de Mère Teresa. Peut-être que le gouvernement albanais aurait dû tenter une demande à l'adresse mail indiquée... <br />
</div><div style="text-align: justify;">Plus largement se pose ici la question des frontières entre conceptions du monde ou "programmes de vérité" pour reprendre l'expression de Paul Veyne. Pour les uns, Mère Teresa est un personnage national ; pour les autres une religieuse béatifiée dont on attend la canonisation. Pour les premiers, sa tombe contient des cendres vouées à une ferveur civique et nationale ; pour les seconds, sa sépulture est un lieu de pèlerinage contenant des reliques de première catégorie, c'est-à-dire des reliques corporelles. Pour Sali Berisha, on parle du rapatriement (au sens premier de retour vers la patrie) ; pour l'Eglise, ce serait une translation de reliques qui risquerait d'atténuer la charge sacrale du sanctuaire de Calcutta. La situation est donc la suivante : au milieu de la discussion une tombe et autour de celle-ci des interlocuteurs qui ne parlent pas de la même chose...<br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-7793623677348276802009-10-15T12:03:00.000+02:002009-10-15T12:03:50.257+02:00Histoire des migrations en Ile-de-France<div style="text-align: justify;"><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">La </span><a href="http://www.histoire-paris-idf.org/" style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">Fédération des Sociétés Historiques et Archéologiques de Paris et de l'Ile-de-France</a><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;"> organise les 27 et 28 novembre 2009 son XIIIe colloque d'histoire régionale avec pour thème "Histoire des migrations en Ile-de-France" qui aura lieu à Créteil à l'Hôtel du département.</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">J'y participerais pour ma part dans le cadre d'une de mes recherches en cours sur l'immigration albanaise en France dans l'entre-deux-guerres. Paris est en effet un des principaux foyers que j'ai pu identifié avec le Nord de la France, <a href="http://mickaelwilmart.blogspot.com/2008/11/de-lalbanie-saint-etienne-une-piste.html">Saint-Etienne</a> et Lyon. Ma communication portera sur la question albanaise dans la capitale et les communes limitrophes (notamment Saint-Ouen et Clichy). A partir des fonds des Archives de Paris (recensements, archives administratives et judiciaires), des Archives de la Préfecture de Police de Paris (dont le terme "colonie albanaise" est tiré), des fonds privés des Archives Nationales Albanaises et de mémoires de migrants publiés en albanais ou en français, j'essayerai dans un premier temps d'identifier les différentes catégories de migrants (étudiants, exilés politiques, ouvriers), les quartiers privilégiés pour leur installation (<a href="http://mickaelwilmart.blogspot.com/search/label/Paris">Quartier Latin</a>, quartiers nords de Paris, Saint-Ouen), leurs lieux de sociabilité et leur façon de s'organiser (associations) ou de ne pas s'organiser. Il s'agit également de comprendre cette première vague d'émigration depuis ce jeune pays (l'Albanie n'étant indépendante que depuis 1913) dans laquelle le mouvement communiste albanais prend en partie naissance à travers des personnalités très actives auprès des ouvriers albanais comme Halim Xhelo. Du point de vue de l'histoire parisienne, il paraît intéressant de regarder à la loupe ce que peut être une communauté de migrants, assez restreinte (entre 300 et 500 personnes) et d'interroger la notion de groupe communautaire (s'agit-il d'un groupe uni ou est-ce que les strates qui le constituent ne se rencontrent jamais ? Et selon quelles modalités ?), d'autant plus que ce "groupe" ne survit pratiquement pas à la guerre (retour au pays, impossibilité d'un renouvellement des migrants du fait de la dictature).</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /> <br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">Je vous donne ici le programme des deux journées :</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><div style="text-align: center;"><span style="font-size: large;"><b><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">Programme</span></b></span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /></div><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><b><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">Vendredi 27 novembre 2009</span></b><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">14h : Accueil</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /> <i><b><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">Approches méthodologiques des migrations</span></b></i><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">14h15 : Philippe RYGIEL, "Panorama sur l'historiographie des migrations"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">14h45 : Delphine FOLLIET, "</span><a href="http://www.generiques.org/" style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">www.generiques.org</a><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;"> : des ressources en ligne pour l'histoire de l'immigration"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">15h15 : Stéphanie RIVOIRE, "La collecte des archives audiovisuelles sur les migrations en Val-de-Marne</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><i><b><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">Migrations internationales, migrations internes</span></b></i><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">16h : Christine GARMY, "Immigration, migrations internes et externes à Nemours du XVIIIe siècle à nos jours"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;"> 16h30 : Marie CAZEIN, "Mouvements migratoires à Louvres du milieu du XVIIIe siècle à la Seconde Guerre Mondiale"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">17h : Alexandre NICOLSKY, "Les Russes à Chelles (1914-2009)"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">17h30 : Claude ATALIAN, "L'immigration des Arméniens en Ile-de-France"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">18h : François BOULET, "L'exode de mai-juin 1940 en Ile-de-France"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><b><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">Samedi 28 novembre 2009</span></b><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><i><b><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">Migrations internationales, migrations internes (suite et fin)</span></b></i><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">9h30 : Natacha LILLO, "L'immigration en Seine-Saint-Denis et dans les Hauts-de-Seine"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">10h : Nancy GREEN, "Une immigration d'élite : les Américains de la rive droite (1880-1940)"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">10h30 : Marie-Claude BLANC-CHALEARD, "Les territoires italiens en région parisienne (1880-1960)"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">11h15 : Marie-Christine VOLOVITCH-TAVARES, "La présence portugaise en Ile-de-France"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">11h45 : Mickaël WILMART, "La 'colonie albanaise' de Paris dans l'Entre-deux-guerres"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><b><i><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">Réception, intégration des migrants</span></i></b><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">14h : Denise-Marie VIGNAL, "Une intégration réussie : les Suisses à Rueil aux XVIIe et XVIIIe siècles"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">14h30 : Michel GUILLOT, "Le patronnage des Petits Savoyards et les ermitages de la région parisienne au XVIIIe siècle"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">15h : Janine PONTY, "Paris, deuxième capitale de la Pologne"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">15h30 : Daniel MARTIN, "Un bidonville portugais sur le plateau de Champigny"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">16h15 : Sevan ANANIAN, "L'intégration réciproque des Arméniens à Alfortville"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">16h45 : Thierry HALAY, "L'esperanto et lesmigrations en Ile-de-France"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">17h15 : Pascale GAUTHIER, "L'odyssée des 'Esparisiens' dans la deuxième moitié du XXe siècle"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">17h45 : André COHEN, "L'arrivée des Juifs d'Egypte en France (1948-1956)"</span><br style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;" /><span style="font-family: Georgia,"Times New Roman",serif;">18h15 : Philippe Rygiel, "Conclusions"</span></div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-57549382269520289712009-10-01T15:52:00.002+02:002009-10-01T15:53:27.565+02:00Anthropologie historique des reliques<span style="font-size: small;"><b><i><span style="font-size: 12pt;">Reliques modernes. Cultes et usages chrétiens des corps saints des Réformes aux révolutions</span></i></b><span style="font-size: 12pt;">, édité par Philippe Boutry, Pierre Antoine Fabre Dominique Julia, Paris, Editions de l'EHESS, 2009, 2 vol., 903 p.</span></span><br />
<div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><br />
</div><div class="separator" style="clear: both; font-family: inherit; text-align: center;"><a href="http://www.editions.ehess.fr/typo3temp/pics/898b17ded6.gif" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="200" src="http://www.editions.ehess.fr/typo3temp/pics/898b17ded6.gif" width="133" /></a><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;"><span style="font-size: 12pt;"></span><a href="http://www.editions.ehess.fr/no_cache/ouvrages/couverture0/?img=978-2-7132-2174-3_g.gif"><span style="color: blue; font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt; text-decoration: none;"></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;"><o:p></o:p></span>Ces deux volumes sont le fruit d'une enquête collective menée au sein du Centre d'Anthropologie religieuse européenne pendant plusieurs années. Il s'agissait de s'interroger sur les significations religieuses, culturelles et politiques des reliques. Jusqu'ici concentrée sur la période médiévale, l'histoire des reliques qui y est proposée s'inscrit dans l'époque moderne montrant la continuité de leurs vénérations (et des polémiques afférentes) sur une longue durée. </span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Avec la critique radicale élaborée par Calvin prolongeant les doutes des humanistes du début du XVIe siècle, la période moderne s'ouvre pour les reliques sur une polémique qui ne s'est en fait jamais refermée, où se discutent non seulement l'authenticité même des reliques mais aussi la justification de leur culte.</span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;"><span style="font-size: small;">Passant les siècles, je ne résiste pas à vous citer ici un extrait de la d<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Relique">iscussion de l'article "Relique" </a>de Wikipedia : </span><br />
</div><blockquote><br />
<blockquote><b>Les reliques</b><br />
...Et personne pour suggérer l'incommensurable bêtise de telles superstitions !? La jarre de Cana, la lance du soldat romain, le prépuce de Jésus... Et puis quoi encore ? L'hymen de la Vierge sans doute ? Ce serait à se rouler par terre de rire s'il n'était au fond si triste et si révoltant de voir comment les responsables religieux s'attachent leurs ouailles, à eux-mêmes ainsi qu'à leur mythes et à leurs bobards, comme des chiens à des saucisses! L'ignorance rend crédule, la crédulité rend stupide. J.Ph.CH<br />
<br />
<b>Mise au point</b><br />
Il ne s'agit pas tant, dans ces articles, de justifier l'existence ou l'authenticité (...) de ces reliques que d'étudier leur culte, leur vénération, ... L'objet esentiel de ces études est l'histoire des mentalités (elle vaut bien celle des batailles). N'oublions pas que le culte des reliques, comme bien d'autres superstitions, a influencé la vie et la mort de quantité de gens au cours des siècles. Pourquoi l'occulter, sous prétexte de rationnalisme ? Je suis moi-même athée et sceptique, mais aussi historien. Et un peu d'humour et de dérision n'a jamais fait de tort même dans une encyclopédie sérieuse ... Daniel71953 13 août 2007 à 15:16 (CEST)<br />
<br />
Reçu 5/5 et bien sûr, tout à fait d'accord avec cette attitude ; mais peut-être, tout de même, devriez-vous vous distancer un peu plus, vous montrer un peu plus... disons ironique : pensez aux enfants qui vous lisent: ne les entendez-vous pas d'ici demandant à leur prof si c'est vrai qu'on a retrouvé et conservé les clous de la croix de Jésus ou peut-être - pourquoi pas ? - une plume d'aile de l'ange Gabriel ? : "M'sieur, j'ai lu sur Wikipedia que etc., etc..." :-) J.Ph.CH<br />
<br />
</blockquote></blockquote><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;"></span></span> <br />
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><b><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">SOMMAIRE<o:p></o:p></span></b></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><b><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">VOLUME 1<o:p></o:p></span></b></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><i><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Avant-propos<o:p></o:p></span></i></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><b><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Première partie. Lieux et corps saints : le temps des polémiques <o:p></o:p></span></b></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Pierre Antoine Fabre, Mickaël Wilmart, <i>Le Traité des reliques de Jean Calvin (1543). Texte et contextes</i><br />
Dominique Julia, <i>L'Église post-tridentine et les reliques. Tradition, controverse et critique (XVI<sup>e</sup>-XVIII<sup>e</sup> siècle)<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Philippe Boutry, <i>Une recharge sacrale. Restauration des reliques et renouveau des polémiques dans la France du XIX<sup>e</sup> siècle<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Alain Cantillon, <i>La guérison d'une enfant en 1656 à Port-Royal de Paris. Archives, miracle et relique</i><o:p></o:p></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Nicole Courtine, <i>Collin de Plancy (1794-1881) et le Dictionnaire critique des reliques et des images miraculeuses reliques modernes<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><b><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Deuxième partie. Le pouvoir et le sacré<o:p></o:p></span></b></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Mario Rosa, <i>La ceinture de la Vierge à Prato. De la « religion civique » à la « piété éclairée »<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Francoise Le Hénand, <i>Les translations de reliques en France au XVII<sup>e</sup> siècle<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Guy Lazure, <i>Posséder le sacré. Monarchie et identité dans la collection de reliques de Philippe II à l’Escorial<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">András Zempleni, <i>Le membre fantôme du corps mystique du roi fondateur. La dextre d’Étienne I<sup>er</sup> et l’espace national hongrois</i><o:p></o:p></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal"><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><b><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">VOLUME 2<o:p></o:p></span></b></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><b><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Troisième partie. Le sacré dans la guerre<o:p></o:p></span></b></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Denis Crouzet, <i>Sur le désenchantement des corps saints au temps des troubles de Religion</i><br />
Stéphane Baciocchi, Dominique Julia, <i>Reliques et Révolution francaise (1789-1804)<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Bernard Marchadier, <i>L'exhumation des reliques dans les premières années du pouvoir soviétique<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><b><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Quatrième partie. Inventaires et inventions de lieux<o:p></o:p></span></b></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Pedro Cordoba, <i>Nouvelle fondation. À propos des fausses reliques de Sacromonte de Grenade</i><br />
Catherine Maire, <i>La France, terre de sainteté. À propos de la Topographie des saints d’Adrien Baillet<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Pierre Antoine Fabre, <i>Le grand reliquaire de la chapelle du Crucifix. Recherches sur le culte des reliques dans l’église San Ignazio, XVI<sup>e</sup>-XIX<sup>e</sup> siècles<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><b><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Cinquième partie. Un espace en expansion<o:p></o:p></span></b></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Ines G. Županov, <i>Une ville reliquaire : São Tomé de Meliapor. La politique et le sacré en Inde portugaise au XVI<sup>e</sup> siècle<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Leandro Karnal, <i>Les reliques dans la conquête de l’Amérique luso-espagnole<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Charlotte de Castelnau-L’Estoile, <i>Le partage des reliques. Tupinamba et jésuites face<br />
aux os d’un missionnaire chaman (Brésil, début du XVII<sup>e</sup> siècle)<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><b><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Sixième partie. Reliques et reliquaires : une archéologie du sacré<o:p></o:p></span></b></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Muriel Clair, <i>Corps et décor. Les reliques dans les chapelles amérindiennes en Nouvelle-France au XVII<sup>e</sup> siècle<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Yves Gagneux, <i>Entre culte et histoire. Le reliquaire du tombeau de sainte Geneviève<br />
à Saint-Étienne-du-Mont<o:p></o:p></i></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-size: small;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;">Muriel Pic, <i>Le devenir image de la relique à l’époque de la reproductibilité technique.<br />
Photographie, copie et métaphore</i><o:p></o:p></span></span><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><br />
</div><div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-bottom: 0.0001pt;"><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12pt;"><span style="font-size: small;">Bibliographie - Index</span><o:p></o:p></span><br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-57548549153897930382009-09-30T10:14:00.000+02:002009-09-30T10:14:22.904+02:00Films amateurs et régionalisme : de l'usage des images privées dans la promotion du terroirParmi l'impressionnante et souvent inutile liste de chaînes de télévisions proposées par les fournisseurs d'accès ADSL, vous avez sans doute remarqué l'existence de chaînes locales désormais disponibles à l'échelle nationale. Parmi elles, je voudrais signaler l'initiative de TV8-Mont-Blanc qui diffuse une série intitulée <i>Feuilleton d'une mémoire heureuse</i>. La Cinémathèque des Pays de Savoie, dépositaire des bobines de films ayant servi au montage des dix épisodes de cette série documentaire, propose sur son site <a href="http://www.letelepherique.org/Feuilleton-d-une-memoire-heureuse">un descriptif détaillé de cette production</a>.<br />
<object height="344" width="425"><param name="movie" value="http://www.youtube.com/v/7k1Fai-lZxo&hl=fr&fs=1&"></param><param name="allowFullScreen" value="true"></param><param name="allowscriptaccess" value="always"></param><embed src="http://www.youtube.com/v/7k1Fai-lZxo&hl=fr&fs=1&" type="application/x-shockwave-flash" allowscriptaccess="always" allowfullscreen="true" width="425" height="344"></embed></object><br />
Le projet consiste en un montage de films amateurs, tournés entre 1940 et les années 1970, pour proposer "un voyage intemporel inédit, une découverte des territoires des Pays de Savoie, de l’histoire locale, de l’histoire vécue…" pour reprendre les termes de présentation de la maison de production <a href="http://www.kanarifilms.fr/Kanarifilms/Feuilletons_dune_memoire_heureuse.html">Kanari Films</a>. Les réalisateurs, Marc Rougerie, Jean-Stéphane Doignon, Stéphane Perriot et Gilles Perret, ont sélectionné des séquences tournés par des amateurs, locaux pour la plupart. Le choix des cameramen ressemblent à une liste d'auteurs d'un éditeur spécialisé dans le régionalisme : un curé, une paysanne, un instituteur, quelques journalistes, un parisien amoureux du pays. Un seul pourrait ressembler à un professionnel, Joseph Léger, photographe à Saint-Jean de Maurienne. D'entrée, on peut donc faire un parallèle intéressant entre des livres régionalistes et ce feuilleton redonnant vie à l'"histoire vécue" des Pays de Savoie, une histoire forcément heureuse, nostalgique d'un âge d'or perdu. L'objectif est le même : transmettre une mémoire du terroir même si ici l'écrit ou la carte postale fait place à l'image animée, comme une concession faite à une modernité à laquelle on ne peut échapper. Les images sélectionnées montrent cependant, pour la plupart, des villages qui ne sont pas encore "envahis" par les touristes (même si les débuts des stations de skis sont évidemment montrés). Elles décrivent un mode de vie traditionnel qu'on a l'habitude de voir figé sur les illustrations de livres et qu'on voit ici de façon vivante.<br />
Ainsi l'image privée devient image de terroir sans que, dans certains cas, l'auteur n'ait eu conscience de la production d'une mémoire régionale. Car si quelques-uns jouent dès la prise de vue la carte folkloriste, d'autres ne semblent filmer que pour le plaisir de la caméra. C'est le cas, par exemple, de Joseph Léger, photographe professionnel, qui filme en priorité sa vie familiale. Ses films sont marqués par un souci évident de la mise en scène. Le témoignage de son épouse nous précise que J. Léger n'hésitait pas à faire recommencer une scène à ses enfants pour arriver à ce qu'il voulait. Cependant, il est vite rattrapé par la municipalité de Saint-Jean de Maurienne qui l'engage pour le tournage de films promotionnels sur la région ou encore pour la visite du général De Gaulle en 1960 à l'occasion du centenaire du rattachement de la Savoie à la France. Ces expériences sont toutefois pour lui des exceptions, tant il préfère filmer les randonnées avec ses amis, les jeux avec ses enfants ou encore des évènements exceptionnels comme des inondations. Ces films n'avaient alors d'autres destinations qu'une projection dans la maison familiale entre amis et proches.<br />
Le montage en forme de feuilleton régionaliste donne une autre finalité à ces images. On est désormais en présence d'une mémoire du passé, d'une région. La mémoire familiale s'inscrit maintenant dans l'histoire d'un terroir diffusée sur une chaîne locale (paradoxalement à diffusion nationale). La modernité d'un tournage à l'époque s'est transformée en traces d'une vie traditionnelle. Le caractère privé s'est mué en mémoire collective. Le processus n'est cependant pas nouveau. Ainsi les mémoires de paysans ou de nobles n'avaient bien souvent pas vocation à être publiés. Ces écrits s'inscrivaient dans une transmission privée de la mémoire familiale et ne sont devenus des témoignages du terroir qu'en passant par le catalyseur des publications régionalistes. Par contre, ce qui est incontestablement nouveau, c'est le support de ces mémoires. On peut donc se demander si le développement des chaînes locales grâce à la télévision numérique verra apparaître de nouvelles expressions du régionalisme jusqu'ici cantonnés à l'écrit et au spectacle vivant.Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-10877281141920331302009-09-29T11:20:00.000+02:002009-09-29T11:20:58.782+02:00L'intérêt pour le caché<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;"><a href="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEis18-4EOyJJ4bFy-uXkxcYbRELmDQ_1DJ9aSUUqLiNBMHHJRvNvkcUHg97UF-0Ed8Mx4YLbqMcCKh87uY-x6kyz3BqChyhbNrsSCCeh4IggzcBXl4OZbXtXJdqqNQUCCH8l_qP3YcKc8AL/s1600-h/derriere.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEis18-4EOyJJ4bFy-uXkxcYbRELmDQ_1DJ9aSUUqLiNBMHHJRvNvkcUHg97UF-0Ed8Mx4YLbqMcCKh87uY-x6kyz3BqChyhbNrsSCCeh4IggzcBXl4OZbXtXJdqqNQUCCH8l_qP3YcKc8AL/s400/derriere.jpg" /></a><br />
</div><div style="text-align: center;"><span style="font-size: xx-small;">Intérieur de la chapelle de Poingt-Ravier, à Valloire (Savoie), août 2009</span><br />
</div><div style="text-align: center;"><br />
</div><div style="text-align: center;"><br />
</div><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: xx-small;"><span style="font-size: small;">Cette photographie, prise par un touriste (en l'occurrence moi...) illustre parfaitement le propos que je veux développer dans ce billet. Cette photo est l'aboutissement d'une succession d'étapes franchies, au moment de la prise de vue, de façon inconsciente : une randonnée avec pour point de mire un hameau</span> </span>perché ; l'arrivée au hameau et l'envie d'aller un peu plus haut, vers la chapelle ; l'envie de voir l'intérieur de la chapelle fermée à clé ; enfin le subterfuge du regard à travers la petite grille de la porte et la photo. Le processus est finalement assez simple : chaque objectif est doublé d'un second avec la tentation de voir plus et à la fin de cet enchaînement le besoin de voir ce qui est caché. Certains avant moi sont allés plus loin dans cette logique en écartant quelques fils du grillage par endroits, voire le grillage lui-même à d'autres, avec l'intention peut-être de mieux voir, de passer outre la surface qui cache la scène convoitée.<br />
</div><div style="text-align: justify;">L'intérêt pour ce qui est caché est finalement un des moteurs de l'engouement pour une manifestation telle que les Journées du Patrimoine. Ouvrant les portes des monuments, l'évènement se veut on ne peut plus culturel. Ce week-end annuel est celui de la découverte du patrimoine mais, si on y réfléchit bien, celui aussi de la transparence. Car ce qui intéresse véritablement les visiteurs ces jours-là, ce ne sont pas les chefs d'oeuvre des musées dont l'entrée devient exceptionnellement gratuite, mais les sites ou même les recoins de sites qu'on ne peut voir habituellement, les lieux cachés de notre patrimoine. Ouvrir à la visite un lieu familier n'a en effet d'intérêt que si l'on donne l'accès à des endroits inaccessibles en temps normal. Si, à Paris, les sites les plus visités lors de ces journées sont les bâtiments du pouvoir, c'est bien parce que le visiteur veut voir ce qui se cache derrière. Et si certains édifices ont une réelle importance culturelle ou artistique, certaines pièces montrées n'ont d'autre intérêt que de faire voir ce qu'on ne peut pas voir le reste de l'année.<br />
</div><div style="text-align: justify;">Ayant l'expérience de l'organisation de visites lors de ces journées, je sais finalement que le discours du guide ne suffit pas à attiser la curiosité, qu'il faut au visiteur un bonus que l'on doit trouver dans un recoin du monument : la base encombrée d'un clocher où se cache une petite statue ou des graffitis, les caves voutées d'un château moderne où paradoxalement il n'y a rien, à part des murs, des câbles et des tuyaux. Mais ce rien peut encore appeler du caché ! Je me souviens il y a maintenant six ou sept ans avoir guider un groupe dans de telles caves et n'avoir pu échapper à la question d'une dame : "on a vu la cave, mais où se trouvent les souterrains ?". Car une fois le caché découvert, l'intérêt se porte encore sur ce qu'on n'a pas pu voir, quitte à faire travailler un peu notre imagination...<br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-3747371138018340316.post-71748843313184568792009-09-28T15:20:00.000+02:002009-09-28T15:20:27.903+02:00Bienvenue sur ce blog au drôle de nom...<div style="text-align: justify;">Voici donc un nom peu ordinaire pour un blog : <i>Les carnets de mon accin</i>. L'hésitation fut longue avant d'intégrer un mot si peu usité mais il résumait à lui seul tellement de choses que je n'ai pu me résoudre à y renoncer. L'<i>accin</i> est un mot présent dans plusieurs patois de Champagne. Généralement, il désigne un jardin clos accolé à une maison. Mais curieusement, dans certaines localités de la Marne, c'est ainsi qu'on appelle le champ qui se trouve à proximité immédiate de l'enclos de la maison. Enfin, en patois briard, l'<i>accin</i> est un verger mais cet usage existe aussi en Champagne. "Accin" est donc un mot à définitions multiples mais qui résume bien ce que voudrait être ce blog. J'y parlerais en effet de mes champs de recherches (le jardin près de la maison), de mes publications (les fruits du verger) et, <i>last but not least,</i> tous les sujets qui m'intéressent dans les sciences humaines (le champ qui s'ouvre au delà du jardin).<br />
</div><div style="text-align: justify;">C'est finalement en trouvant ce mot dans un dictionnaire du "Parler de Champagne" (par Michel Tamine aux éditions Christianne Bonneton, 2009) que l'idée de ce blog s'est concrétisée. Après deux tentatives, une sur les sciences sociales et les Balkans (<a href="http://mickaelwilmart.blogspot.com/">Paris-Tirana</a>) et l'autre très éphémère sur l'anthropologie religieuse (<a href="http://anthroporeligieuse.blogspot.com/">croyances/incroyances</a>), l'envie m'est venue d'un blog où je pourrais parler de l'ensemble de mes centres d'intérêt. Les deux précédents avaient des sujets restreints et étaient assez balisés, avec pour conséquence la difficulté qui se posait à moi de parler d'autre chose. Il me semble pourtant que c'est le propre des sciences humaines de regarder toujours ce qui se passe en dehors de son champ de recherches ou de sa discipline pour y retourner ensuite chargé de l'expérience des autres. On trouvera donc sur ce blog un peu de tout ce qui peut m'intéresser, soit sous forme d'analyses, de notes de lectures, de signalements d'évènements ou de publications. Deux pôles géographiques, non exclusifs, seront privilégiés : l'Ile-de-France et les Balkans. Du côté des disciplines, j'espère arriver à vous parler d'histoire, d'ethnologie mais aussi d'archéologie ou de philosophie. Le tout se fera au fil de mes lectures et de mes rencontres, en espérant que vous pourrez, vous aussi, y glaner quelques petites choses.<br />
</div>Mickael Wilmarthttp://www.blogger.com/profile/04696882633411488500noreply@blogger.com3