mardi 29 septembre 2009

L'intérêt pour le caché


Intérieur de la chapelle de Poingt-Ravier, à Valloire (Savoie), août 2009


Cette photographie, prise par un touriste (en l'occurrence moi...) illustre parfaitement le propos que je veux développer dans ce billet. Cette photo est l'aboutissement d'une succession d'étapes franchies, au moment de la prise de vue, de façon inconsciente : une randonnée avec pour point de mire un hameau perché ; l'arrivée au hameau et l'envie d'aller un peu plus haut, vers la chapelle ; l'envie de voir l'intérieur de la chapelle fermée à clé ; enfin le subterfuge du regard à travers la petite grille de la porte et la photo. Le processus est finalement assez simple : chaque objectif est doublé d'un second avec la tentation de voir plus et à la fin de cet enchaînement le besoin de voir ce qui est caché. Certains avant moi sont allés plus loin dans cette logique en écartant quelques fils du grillage par endroits, voire le grillage lui-même à d'autres, avec l'intention peut-être de mieux voir, de passer outre la surface qui cache la scène convoitée.
L'intérêt pour ce qui est caché est finalement un des moteurs de l'engouement pour une manifestation telle que les Journées du Patrimoine. Ouvrant les portes des monuments, l'évènement se veut on ne peut plus culturel. Ce week-end annuel est celui de la découverte du patrimoine mais, si on y réfléchit bien, celui aussi de la transparence. Car ce qui intéresse véritablement les visiteurs ces jours-là, ce ne sont pas les chefs d'oeuvre des musées dont l'entrée devient exceptionnellement gratuite, mais les sites ou même les recoins de sites qu'on ne peut voir habituellement, les lieux cachés de notre patrimoine. Ouvrir à la visite un lieu familier n'a en effet d'intérêt que si l'on donne l'accès à des endroits inaccessibles en temps normal. Si, à Paris, les sites les plus visités lors de ces journées sont les bâtiments du pouvoir, c'est bien parce que le visiteur veut voir ce qui se cache derrière. Et si certains édifices ont une réelle importance culturelle ou artistique, certaines pièces montrées n'ont d'autre intérêt que de faire voir ce qu'on ne peut pas voir le reste de l'année.
Ayant l'expérience de l'organisation de visites lors de ces journées, je sais finalement que le discours du guide ne suffit pas à attiser la curiosité, qu'il faut au visiteur un bonus que l'on doit trouver dans un recoin du monument : la base encombrée d'un clocher où se cache une petite statue ou des graffitis, les caves voutées d'un château moderne où paradoxalement il n'y a rien, à part des murs, des câbles et des tuyaux. Mais ce rien peut encore appeler du caché ! Je me souviens il y a maintenant six ou sept ans avoir guider un groupe dans de telles caves et n'avoir pu échapper à la question d'une dame : "on a vu la cave, mais où se trouvent les souterrains ?". Car une fois le caché découvert, l'intérêt se porte encore sur ce qu'on n'a pas pu voir, quitte à faire travailler un peu notre imagination...

1 commentaire:

  1. «Une femme retire une chemise, qui cache une autre chemise, qu'elle retire, qui cache une autre chemise, qu'elle retire... et le repos de la nudité n'arrive jamais» (Henri Michaux, de mémoire défaillante).

    RépondreSupprimer