mardi 20 octobre 2009

Abélard en Seine-et-Marne ou la patrimonialisation d'une erreur historique


Tableau de J.-A. Benouville intitulé "Abélard parlant à ses étudiants près de Melun", 1837, Pinacothèque de Munich







Si on entend le plus souvent par patrimoine d'une commune ou d'un département ses monuments, il peut revêtir également un sens plus immatériel comme une langue, une musique, une culture ou des liens avec un personnage marquant de l'histoire. Aussi, au delà des édifices, il est fréquent d'associer une ville ou un village à un personnage dont l'aura passé retombe sur les rues qu'il a un jour parcouru. C'est ainsi qu'on liera La Fontaine à Château-Thierry, Bossuet à Meaux ou encore Gaston Fébus à Foix. 
Les liens entre Pierre Abélard, intellectuel du début du XIIe siècle, célèbre pour son histoire avec Héloïse, et la Seine-et-Marne sont multiples. Bien sûr parler de la Seine-et-Marne pour un personnage du XIIe siècle n'a pas beaucoup de sens mais deux villes au moins peuvent s'enorgueillir d'avoir accueilli le brillant penseur. Tout d'abord Melun, alors dans le domaine royal, où Abélard s'installe comme enseignant en 1102 avant de passer à Corbeil puis y revenir en 1109 après plusieurs péripéties. Peut-être d'ailleurs que le choix du nom de la médiathèque de la ville (dite de l'Astrolabe) n'est pas étranger à ce fait historique puisqu'Astrolabe est aussi le nom du fils d'Héloïse et Abélard. La deuxième ville pourrait être Provins (alors dans le comté de Champagne) dans laquelle Abélard se réfugie après sa fuite de l'abbaye de Saint-Denis en 1122, peu avant de fonder Le Paraclet. Si les deux villes ont dédié une rue à Abélard, on remarquera toutefois que ni l'une ni l'autre n'en font une célébration massive : sur le site de la mairie de Melun, il est mentionné dans une liste d'écrivains ayant séjourné dans la ville tandis que le site de Provins ne le cite même pas. Notons toutefois que sa présence en ces lieux est signalé sur le site des archives départementales de Seine-et-Marne dans la rubrique "Figures locales".
C'est curieusement un petit village entre Meaux et Coulommiers, Maisoncelles-en-Brie, qui s'attache le plus à inscrire Pierre Abélard dans son patrimoine. Tout commence en 1845 avec la publication par Charles de Rémusat de la première biographie d'Abélard et une note que l'auteur glisse au sujet d'un passage de son autobiographie (L'histoire de mes malheurs) on ne peut plus flou. En 1120, Abélard, alors moine à l'abbaye de Saint-Denis, s'installe hors du monastère pour reprendre son enseignement. Lui-même dit : "Je finis par me retirer dans un sanctuaire (ad cellam quamdam ; quelques fois traduit comme "prieuré" ou comme "cellule de moine) et repris mes habitudes d'enseignant. Mes cours attirèrent une telle foule d'étudiants que la place manqua pour les loger et la terre pour les nourrir". Plus loin il précise que cet endroit se trouvait sur les terres du comte Thibaud (donc en Champagne). Le texte original et les sources de l'époque ne permettent pas d'en dire plus sur ce lieu d'enseignement. Dans son texte, Charles de Rémusat reprend l'identification faite - sans explication - par l'éditeur du tome XIV du Recueil des Historiens des Gaules contenant le récit d'Abélard. A la suite des mots "ad cella quamdam", ce dernier insère une note contenant un mot : "Maisoncelle" sans autre précision. Rémusat l'utilise donc pour son livre mais pas sans soupçon :
"D. Brial seul dit que ce lieu est Maisoncelle. Il y a dans le département de Seine-et-Marne plusieurs villages de ce nom. Le lieu où habitait Abélard [...] peut être ou Maisoncelle de l'arrondissement et du canton de Coulommiers, ou plutôt Maisoncelles du canton de Villiers-Saint-Georges dans l'arrondissement de Provins" (NB : auj. dans la commune de Saint-Martin-du-Bochet).
On voit nettement qu'il s'agit d'une hypothèse qui ne convainct pas complètement Rémusat et que celui-ci préfère situé l'endroit dans les environs de Provins, c'est-à-dire au plus près du comte de Champagne, qui s'impose comme protecteur d'Abélard. On voit ici le peu de considérations que l'historien peut accorder à l'identification proposée : le mot "cella" du texte original se retrouvant dans le nom de lieu Maisoncelles et Maisoncelles appartenant à l'origine à l'abbaye de Saint-Denis, on en a déduit qu'Abélard y avait séjourné... Le fil est mince mais tenace surtout quand un érudit de la fin du XIXe siècle, Gabriel du Chaffault, publie un livre intitulé Mesoncelles-en-Brie, dépendance de l'abbaye de Saint-Denis - Abélard et Héloïse (1894). Reprenant l'hypothèse, qui sous sa plume n'en est plus une, de ses deux prédécesseurs, il lie définitivement le village à la figure d'Abélard dans la seule monographie consacrée à la commune.
Cependant, pour tout spécialiste de l'époque, l'erreur est grossière. D'une part le lien entre le mot latin utilisé par Abélard (qui désigne en fait un lieu d'habitation de religieux dans un sens large) et le nom du village ne peut constituer une preuve tangible. De plus, Pierre Abélard explique dans le même passage que le succès de ses cours réduisaient "ceux de tous les autres enseignants", ce qui signifie qu'il est alors à proximité (voire dans) une ville avec plusieurs professeurs, ce qui n'est sans doute pas le cas d'un village de la campagne briarde. C'est d'ailleurs pour cette raison que des historiens spécialistes du XIIe siècle comme Michael Clanchy ou John Benton préfèrent imaginer l'endroit à proximité immédiate de Paris ou aux alentours de Nogent-sur-Seine (voir les explications : M. Clanchy, Abélard, Paris, 2000, p. 284). Ajoutons-y un argument de poids lié au contexte local : Maisoncelles se situe à cette période dans la forêt du Mans, massif forestier entre Meaux et Coulommiers aujourd'hui pratiquement disparu. C'est d'ailleurs de là que la localité tire son nom : le "Maison" de Maisoncelles, comme pour la commune voisine de la Haute-Maison, se rapporte bel et bien au nom de la forêt du Mans. Or, cette forêt n'est défrichée qu'à partir du XIIIe siècle. C'est vers 1220-1230 que la paroisse de la Haute-Maison par exemple est créée. Il en va de même pour Maisoncelles. Jusque là les religieux de Saint-Denis n'avaient que des droits sur une partie de la forêt et le défrichement permet l'apparition de nouvelles communautés villageoises (dont le partage des revenus est négocié, comme en témoignent quelques chartes du cartulaire du chapitre cathédral de Meaux). On peut donc affirmer avec certitude que Maisoncelles n'existe pas au début du XIIe siècle et que donc Abélard n'a pu s'y installer avec ses étudiants. Pour l'historien, il faut se résoudre à quelques hypothèses qui demeurent incertaines...
Oui, mais voilà, les livres de Rémusat et de Chaffault ont fait leur effet. Le village de Maisoncelles est désormais largement associé à Pierre Abélard : on y trouve par exemple une "rue du château d'Abélard et Héloïse" (car la légende veut aussi que les deux amants s'y soient retrouvés) et une maison de retraite "Héloïse et Abélard". En octobre 2009, la municipalité a même inauguré la nouvelle école placée sous le patronnage de "Pierre Abélard". Le site de la mairie consacre une longue page au grand personnage, précisant même qu'Abélard y écrivit des lettres à Héloïse !
On est donc bien ici face à la patrimonialisation d'une erreur historique. Car la commune de Maisoncelles met en avant un personnage qui n'a vraisemblablement jamais mis les pieds sur son territoire. On peut, à partir de ce cas, engager une réflexion sur le rôle actuel de l'historien. Le métier d'historien est fait d'hypothèses qu'il faut explorer, conforter ou infirmer. Or, le grand public attend de l'historien un lien entre le présent et le passé, une base solide à la constitution d'une tradition, d'un patrimoine, d'une mémoire. Certes, l'historien ne peut changer ses méthodes de travail. Par contre, il est important d'expliquer aux non-initiés comment on fabrique l'histoire et de faire comprendre la part d'hypothétique de cette science humaine.
Pour terminer avec les péripéties de Pierre Abélard en Seine-et-Marne, je voudrais signaler un autre phénomène. En effet, la présence d'Abélard à Maisoncelles révélée par le livre de Gabriel de Chaffault semble avoir pénétré un peu dans la tradition orale des communes avoisinantes. J'ai lu récemment des notes laissés par un historien et folkloriste amateur, Gérard Mourlet, qui travailla sur le village de Quincy-Voisins dans les années 60. Voici ce qu'il rapporte : "Madame D... Germaine nous signale que la croix de Ségy serait posée à l'emplacement même d'un couvent et Abélard serait venu s'y reposer". Ségy est un hameau de Quincy-Voisins, commune située à une dizaine de kilomètres de Maisoncelles. Il n'y a jamais eu de couvent à cet endroit et il est fort peu probable que le mari d'Héloïse soit venu y séjourner mais que cette note empêche toutefois une future patrimonialisation...

jeudi 15 octobre 2009

Cendres ou reliques ?

Scène de dévotion devant la tombe de Mère Teresa à Calcutta (Inde)


La semaine dernière, le premier ministre albanais, Sali Berisha, a annoncé que son gouvernement avait officiellement demandé à son homologue indien le rapatriement des cendres de Mère Teresa, religieuse béatifiée, née en Macédoine mais d'origine albanaise, dont on doit fêter le centenaire de la naissance en août 2010. Dans le même temps, l'Albanie a également adressé une requête de même nature au gouvernement français pour envisager le retour du corps du roi Zog Ier, enterré en France au cimetière parisien de Thiais. Le retour des restes de ces deux personnages s'inscrit dans l'agencement d'un panthéon national albanais. Le roi Zog, longtemps discrédité par le régime communiste, est désormais vu comme le modernisateur de l'Etat albanais. Quant à Mère Teresa, dont les cendres sont aussi réclamées par la Macédoine, elle est, dans le discours nationaliste, le symbole de la tolérance érigée en caractère national albanais. Elle est également la personnalité d'origine albanaise la plus célèbre du XXe siècle. Symboliquement, elle est déjà très présente sur le territoire albanais : outre l'hôpital Mère Teresa et la place Mère Teresa devant l'université de Tirana, elle a surtout donné son nom à l'aéroport international de Rinas, affichant ainsi le lien fort entre elle et l'Albanie. ou plutôt entre l'Albanie et elle En réclamant le corps de Mère Teresa, Sali Berisha entend définitivement nationaliser la religieuse de Calcutta, avec un intérêt d'autant plus grand que plusieurs pays des Balkans se disputent son origine.
La réaction du gouvernement indien ne s'est pas fait attendre. Mardi 12 octobre, le porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères indien a déclaré : "Mère Teresa était une citoyenne indienne et elle repose dans son propre pays, sa propre terre", ajoutant que la question de son retour en Albanie "ne se pose même pas". En effet, Mère Teresa avait en 1951 obtenu la nationalité indienne et  vécut le reste de sa vie à Calcutta où elle  fonda son ordre des Missionnaires de la Charité. Elle est d'ailleurs mondialement connu comme "Mère Teresa de Calcutta" même si les promoteurs identitaires albanais la surnomme souvent "Mère Teresa des Albanais". Sali Berisha estime quant à lui que la question reste ouverte et que les deux pays doivent en discuter. Il a d'ailleurs réitéré son souhait, précisant "qu'elle serait plus tranquille que partout ailleurs si elle pouvait reposer à côté de sa mère et de sa soeur" enterrées à Tirana, tirant ainsi à la fois sur une corde sentimentale et sur l'idée que la famille est la base de la nation albanaise. Il est clair que la réponse de l'Inde ne changera pas mais le discours de Sali Berisha est-il adressé à l'Inde ou aux albanais ? Le premier ministre semble en effet soucieux d'encourager le patriotisme de ses concitoyens. Dès lors la concomitance des deux demandes serait le signe d'une volonté d'offrir un support à une ferveur nationale.
Mais il semble aussi que Sali Berisha n'ait pas vraiment compris les enjeux de ce qu'il demandait. J'ai déjà montré ailleurs que la neutralité laïque de l'Etat albanais, couvert par un discours de tolérance interconfessionnelle, gomme tout aspect sacré des questions religieuses pour n'en garder qu'une essence nationale entrant dans un discours d'unité au dessus des communautés catholique, orthodoxe ou musulmane. Or, pris dans ce carcan idéologique, il en a oublié le caractère religieux de sa requête. Car, en demandant le retour des cendres de Mère Teresa en Albanie, il ne réclame pas le corps d'un héros national mais le corps d'une religieuse béatifiée dont les restes ont le statut de reliques aux yeux de toute la catholicité.  Fait révélateur, il se trouve, qu'en même temps que la réponse du gouvernement indien, on a appris par la porte-parole des Missionnaires de la Charité, que l'ordre fondé par Mère Teresa, et qui conserve sa tombe en l'offrant à la vénération, n'avait même pas été sollicité par le gouvernement albanais. S'inscrivant dans la logique d'un discours nationaliste, Sali Berisha n'a donc pas pris en compte l'identité catholique de celle dont il réclame les cendres.
La question est portant cruciale : la tombe de Mère Teresa contient-elle ses cendres ou ses reliques ? Un non-catholique (athée ou d'une autre confession) répondrait qu'il s'agit bien de ses cendres mais un catholique parlerait ici de ses reliques. Et c'est bien ainsi que les Missionnaires de la Charité les considèrent. Si on se rend sur le site du Centre Mère Teresa de Calcutta, on trouve une page intitulée "Relics" sur laquelle on explique justement ce que sont les reliques et le statut pris par ce corps après la béatification de la religieuse. On explique même la démarche à suivre pour recevoir une relique de Mère Teresa. Peut-être que le gouvernement albanais aurait dû tenter une demande à l'adresse mail indiquée...
Plus largement se pose ici la question des frontières entre conceptions du monde ou "programmes de vérité" pour reprendre l'expression de Paul Veyne. Pour les uns, Mère Teresa est un personnage national ; pour les autres une religieuse béatifiée dont on attend la canonisation. Pour les premiers, sa tombe contient des cendres vouées à une ferveur civique et nationale ; pour les seconds, sa sépulture est un lieu de pèlerinage contenant des reliques de première catégorie, c'est-à-dire des reliques corporelles. Pour Sali Berisha, on parle du rapatriement (au sens premier de retour vers la patrie) ; pour l'Eglise, ce serait une translation de reliques qui risquerait d'atténuer la charge sacrale du sanctuaire de Calcutta. La situation est donc la suivante : au milieu de la discussion une tombe et autour de celle-ci des interlocuteurs qui ne parlent pas de la même chose...

Histoire des migrations en Ile-de-France

La Fédération des Sociétés Historiques et Archéologiques de Paris et de l'Ile-de-France organise les 27 et 28 novembre 2009 son XIIIe colloque d'histoire régionale avec pour thème "Histoire des migrations en Ile-de-France" qui aura lieu à Créteil à l'Hôtel du département.
J'y participerais pour ma part dans le cadre d'une de mes recherches en cours sur l'immigration albanaise en France dans l'entre-deux-guerres. Paris est en effet un des principaux foyers que j'ai pu identifié avec le Nord de la France, Saint-Etienne et Lyon. Ma communication portera sur la question albanaise dans la capitale et les communes limitrophes (notamment Saint-Ouen et Clichy). A partir des fonds des Archives de Paris (recensements, archives administratives et judiciaires), des Archives de la Préfecture de Police de Paris (dont le terme "colonie albanaise" est tiré), des fonds privés des Archives Nationales Albanaises et de mémoires de migrants publiés en albanais ou en français, j'essayerai dans un premier temps d'identifier les différentes catégories de migrants (étudiants, exilés politiques, ouvriers), les quartiers privilégiés pour leur installation (Quartier Latin, quartiers nords de Paris, Saint-Ouen), leurs lieux de sociabilité et leur façon de s'organiser (associations) ou de ne pas s'organiser. Il s'agit également de comprendre cette première vague d'émigration depuis ce jeune pays (l'Albanie n'étant indépendante que depuis 1913) dans laquelle le mouvement communiste albanais prend en partie naissance à travers des personnalités très actives auprès des ouvriers albanais comme Halim Xhelo. Du point de vue de l'histoire parisienne, il paraît intéressant de regarder à la loupe ce que peut être une communauté de migrants, assez restreinte (entre 300 et 500 personnes) et d'interroger la notion de groupe communautaire (s'agit-il d'un groupe uni ou est-ce que les strates qui le constituent ne se rencontrent jamais ? Et selon quelles modalités ?), d'autant plus que ce "groupe" ne survit pratiquement pas à la guerre (retour au pays, impossibilité d'un renouvellement des migrants du fait de la dictature).

Je vous donne ici le programme des deux journées :

Programme

Vendredi 27 novembre 2009
14h : Accueil
Approches méthodologiques des migrations
14h15 : Philippe RYGIEL, "Panorama sur l'historiographie des migrations"
14h45 : Delphine FOLLIET, "www.generiques.org : des ressources en ligne pour l'histoire de l'immigration"
15h15 : Stéphanie RIVOIRE, "La collecte des archives audiovisuelles sur les migrations en Val-de-Marne

Migrations internationales, migrations internes
16h : Christine GARMY, "Immigration, migrations internes et externes à Nemours du XVIIIe siècle à nos jours"
16h30 : Marie CAZEIN, "Mouvements migratoires à Louvres du milieu du XVIIIe siècle à la Seconde Guerre Mondiale"
17h : Alexandre NICOLSKY, "Les Russes à Chelles (1914-2009)"
17h30 : Claude ATALIAN, "L'immigration des Arméniens en Ile-de-France"
18h : François BOULET, "L'exode de mai-juin 1940 en Ile-de-France"

Samedi 28 novembre 2009
Migrations internationales, migrations internes (suite et fin)
9h30 : Natacha LILLO, "L'immigration en Seine-Saint-Denis et dans les Hauts-de-Seine"
10h : Nancy GREEN, "Une immigration d'élite : les Américains de la rive droite (1880-1940)"
10h30 : Marie-Claude BLANC-CHALEARD, "Les territoires italiens en région parisienne (1880-1960)"
11h15 : Marie-Christine VOLOVITCH-TAVARES, "La présence portugaise en Ile-de-France"
11h45 : Mickaël WILMART, "La 'colonie albanaise' de Paris dans l'Entre-deux-guerres"

Réception, intégration des migrants
14h : Denise-Marie VIGNAL, "Une intégration réussie : les Suisses à Rueil aux XVIIe et XVIIIe siècles"
14h30 : Michel GUILLOT, "Le patronnage des Petits Savoyards et les ermitages de la région parisienne au XVIIIe siècle"
15h : Janine PONTY, "Paris, deuxième capitale de la Pologne"
15h30 : Daniel MARTIN, "Un bidonville portugais sur le plateau de Champigny"
16h15 : Sevan ANANIAN, "L'intégration réciproque des Arméniens à Alfortville"
16h45 : Thierry HALAY, "L'esperanto et lesmigrations en Ile-de-France"
17h15 : Pascale GAUTHIER, "L'odyssée des 'Esparisiens' dans la deuxième moitié du XXe siècle"
17h45 : André COHEN, "L'arrivée des Juifs d'Egypte en France (1948-1956)"
18h15 : Philippe Rygiel, "Conclusions"

jeudi 1 octobre 2009

Anthropologie historique des reliques

Reliques modernes. Cultes et usages chrétiens des corps saints des Réformes aux révolutions, édité par Philippe Boutry, Pierre Antoine Fabre Dominique Julia, Paris, Editions de l'EHESS, 2009, 2 vol., 903 p.


Ces deux volumes sont le fruit d'une enquête collective menée au sein du Centre d'Anthropologie religieuse européenne pendant plusieurs années. Il s'agissait de s'interroger sur les significations religieuses, culturelles et politiques des reliques. Jusqu'ici concentrée sur la période médiévale, l'histoire des reliques qui y est proposée s'inscrit dans l'époque moderne montrant la continuité de leurs vénérations (et des polémiques afférentes) sur une longue durée. 
Avec la critique radicale élaborée par Calvin prolongeant les doutes des humanistes du début du XVIe siècle, la période moderne s'ouvre pour les reliques sur une polémique qui ne s'est en fait jamais refermée, où se discutent non seulement l'authenticité même des reliques mais aussi la justification de leur culte.
Passant les siècles, je ne résiste pas à vous citer ici un extrait de la discussion de l'article "Relique" de Wikipedia : 

Les reliques
...Et personne pour suggérer l'incommensurable bêtise de telles superstitions !? La jarre de Cana, la lance du soldat romain, le prépuce de Jésus... Et puis quoi encore ? L'hymen de la Vierge sans doute ? Ce serait à se rouler par terre de rire s'il n'était au fond si triste et si révoltant de voir comment les responsables religieux s'attachent leurs ouailles, à eux-mêmes ainsi qu'à leur mythes et à leurs bobards, comme des chiens à des saucisses! L'ignorance rend crédule, la crédulité rend stupide. J.Ph.CH

Mise au point
Il ne s'agit pas tant, dans ces articles, de justifier l'existence ou l'authenticité (...) de ces reliques que d'étudier leur culte, leur vénération, ... L'objet esentiel de ces études est l'histoire des mentalités (elle vaut bien celle des batailles). N'oublions pas que le culte des reliques, comme bien d'autres superstitions, a influencé la vie et la mort de quantité de gens au cours des siècles. Pourquoi l'occulter, sous prétexte de rationnalisme ? Je suis moi-même athée et sceptique, mais aussi historien. Et un peu d'humour et de dérision n'a jamais fait de tort même dans une encyclopédie sérieuse ... Daniel71953 13 août 2007 à 15:16 (CEST)

Reçu 5/5 et bien sûr, tout à fait d'accord avec cette attitude ; mais peut-être, tout de même, devriez-vous vous distancer un peu plus, vous montrer un peu plus... disons ironique : pensez aux enfants qui vous lisent: ne les entendez-vous pas d'ici demandant à leur prof si c'est vrai qu'on a retrouvé et conservé les clous de la croix de Jésus ou peut-être - pourquoi pas ? - une plume d'aile de l'ange Gabriel ? : "M'sieur, j'ai lu sur Wikipedia que etc., etc..." :-) J.Ph.CH


SOMMAIRE

VOLUME 1
Avant-propos
Première partie. Lieux et corps saints : le temps des polémiques
Pierre Antoine Fabre, Mickaël Wilmart, Le Traité des reliques de Jean Calvin (1543). Texte et contextes
Dominique Julia, L'Église post-tridentine et les reliques. Tradition, controverse et critique (XVIe-XVIIIe siècle)

Philippe Boutry, Une recharge sacrale. Restauration des reliques et renouveau des polémiques dans la France du XIXe siècle
Alain Cantillon, La guérison d'une enfant en 1656 à Port-Royal de Paris. Archives, miracle et relique
Nicole Courtine, Collin de Plancy (1794-1881) et le Dictionnaire critique des reliques et des images miraculeuses reliques modernes

Deuxième partie. Le pouvoir et le sacré
Mario Rosa, La ceinture de la Vierge à Prato. De la « religion civique » à la « piété éclairée »
Francoise Le Hénand, Les translations de reliques en France au XVIIe siècle
Guy Lazure, Posséder le sacré. Monarchie et identité dans la collection de reliques de Philippe II à l’Escorial
András Zempleni, Le membre fantôme du corps mystique du roi fondateur. La dextre d’Étienne Ier et l’espace national hongrois

VOLUME 2
Troisième partie. Le sacré dans la guerre
Denis Crouzet, Sur le désenchantement des corps saints au temps des troubles de Religion
Stéphane Baciocchi, Dominique Julia, Reliques et Révolution francaise (1789-1804)

Bernard Marchadier, L'exhumation des reliques dans les premières années du pouvoir soviétique

Quatrième partie. Inventaires et inventions de lieux
Pedro Cordoba, Nouvelle fondation. À propos des fausses reliques de Sacromonte de Grenade
Catherine Maire, La France, terre de sainteté. À propos de la Topographie des saints d’Adrien Baillet

Pierre Antoine Fabre, Le grand reliquaire de la chapelle du Crucifix. Recherches sur le culte des reliques dans l’église San Ignazio, XVIe-XIXe siècles

Cinquième partie. Un espace en expansion
Ines G. Županov, Une ville reliquaire : São Tomé de Meliapor. La politique et le sacré en Inde portugaise au XVIe siècle
Leandro Karnal, Les reliques dans la conquête de l’Amérique luso-espagnole
Charlotte de Castelnau-L’Estoile, Le partage des reliques. Tupinamba et jésuites face
aux os d’un missionnaire chaman (Brésil, début du XVIIe siècle)


Sixième partie. Reliques et reliquaires : une archéologie du sacré
Muriel Clair, Corps et décor. Les reliques dans les chapelles amérindiennes en Nouvelle-France au XVIIe siècle
Yves Gagneux, Entre culte et histoire. Le reliquaire du tombeau de sainte Geneviève
à Saint-Étienne-du-Mont

Muriel Pic, Le devenir image de la relique à l’époque de la reproductibilité technique.
Photographie, copie et métaphore


Bibliographie - Index